Dans son article, Denis Marquet cite le Groupe Alsace. On nous avait remis, il y a quelques années, un document important : le journal de bord du Groupe Alsace en 1944, du samedi 8 juillet au mercredi 12 septembre, avec un moment fort, la libération de la ville le mercredi 30 août.
A la lecture de ces nombreuses pages, on est étonné de la diversité des actions : abattage des arbres au bord de la route, destruction des voies ferrées, des ponts de chemin de fer ou des lignes téléphoniques, et même pose de clous sur la route. Tout est mis en œuvre pour couper les communications. Et un rapport étonnant : le vol de lapins chez un collaborateur, une prise en guise de punition en quelque sorte.
Relater cette page d’histoire locale, c’est rendre hommage à ces hommes courageux souvent rentrés dans l’anonymat à l’issue du conflit. Voici quelques extraits des actions du Groupe Alsace :
Samedi 5 août.
L’équipe MARCEL essaie de faire dérailler une locomotive sur la ligne de Châlons entre Valmy et Somme Bionne. Malgré 2 fogs et 4 charges d’explosifs, la machine parvient à continuer sa route ; néanmoins la voie est coupée. Dans l’après-midi, en voulant passer la route nationale de Châlons près de Dommartin-la-planchette, deux de nos hommes tombent sur une patrouille cycliste de 10 allemands. Ils réussissent à se dégager en filant dans les roseaux. Nous réquisitionnons le tabac du débit de Florent.
Mercredi 9 août.
Vers 7 heures du matin, l’équipe JACKIE rentre au complet. Elle a fait du bon travail : arrivée le dimanche soir sur la ligne des Islettes, elle a réussi, dans la soirée, à faire dérailler un train de chars « Tigres ». La locomotive, le tender et deux wagons sont sortis de la voie. Le train n’a pu repartir que le lendemain vers 16 heures.
Lundi 14 août.
Première représaille d’un collaborateur de Vienne-la-Ville, nous lui enlevons 22 lapins.
Nous essayons de couper des arbres à l’aide d’explosifs sur la route de Châlons où passent de nombreux Allemands qui se replient. Un grand nombre d’explosifs est employé sur 2 arbres : l’un d’eux, presque coupé, tombe par le vent dans la nuit et barre la route.
Samedi 19 août.
Depuis plusieurs jours, le groupe était au repos forcé par la suite des événements de la semaine précédente. Aujourd’hui il se remet sérieusement au travail.
Le groupe JACKIE réussit à faire sauter, en plein jour et sous les yeux de la femme d’un garde-barrière le reste d’un pont de chemin de fer près de Chaudefontaine.
Le groupe MARCEL fait sauter 1km ½ de voie près de Dommartin-la-Planchette. Le succès est complet : 30 charges d’explosifs employées, 30 coupures de voie et par conséquent 60 rails à changer. Le même soir, une mission conduite par PIERROT et qui avait pour but d’entraver la circulation des convois allemands sur la route de Châlons à l’aide de clous doit rebrousser chemin par suite de la surveillance étroite de cette route : une sentinelle est postée tous les 20 mètres.
Mercredi 23 août.
Le travail effectué samedi dernier sur la ligne de Châlons avait été excellent : il a fallu 3 jours pour réparer la voie. Aussi entendons-nous aujourd’hui recommencer le même travail
, entre Valmy et Somme-Bionne. Mais la retraite allemande est complète, des convois défilent sans arrêt et le groupe MARCEL ne peut traverser la route de Suippes et doit rebrousser chemin. Il se contente de faire sauter les fils téléphoniques allemands.
L’équipe JACKIE fait sauter les aiguillages de la gare de Vienne-la-Ville afin d’immobiliser une rame de wagons vides destinée à évacuer les Allemands. L’opération réussit pleinement malgré la surveillance de la voie.
Samedi 26 août.
Nous sabotons la ligne des Islettes : la voie est coupée en 20 endroits. Nous nous rendons sur le terrain désigné en vue d’un parachutage d’hommes et d’armes. Aucun avion ne vient.
Dans un prochain numéro : des actions périlleuses, la vie au campement, la fin du groupe.