« Dans ce qui s’est passé à Sainte-Ménehould, il faut, je pense, renoter des points importants, à savoir que cette libération ne s’est pas faite dans une tonalité de grande simplicité » C’est ce que disait Hervé Chabaud, le conférencier invité par notre association qui organisait une soirée « Veillée de l’histoire ».
C’était le 30 août 2004 à l’hôtel de ville de Sainte Ménehould ; dans le grand salon il y avait de nombreux Ménéhildiens qui avaient connu cette libération du 30 août 1944 : Robert Noël, Jean-Louis Méry, Robert Obélianne, Raymond Collin et Michel Lecourtier. Depuis, tous ont quitté l’Argonne. La veillée de l’histoire, c’était il y a 16 ans et ceux qui avaient connu la libération étaient encore nombreux. Par contre de nombreux seniors de Menou n’ont pas connu ces événements car ils vivaient dans une autre région avant de venir s’installer dans la cité argonnaise.
Michel Lecourtier habitait la grande maison « La Mignonerie » dans la rue nommée aujourd’hui « rue de la Libération ». Pour aller acheter son pain rue des Prés, il franchissait la passerelle en bois qui remplaçait le pont détruit près des abattoirs et empruntait cette rue des Prés où tout ou presque était en ruine (voir photo). La belle grille du pont des Maures était au fond de la rivière (photo).
Michel Lecourtier a été conseiller municipal et conseiller général. Il avait connu la libération et ce soir-là, il a raconté « sa journée ».
La journée de la Libération de Sainte-Ménehould s’est passée en deux temps. C’est cela qui a provoqué les drames. C’est-à-dire qu’une première colonne de cinq autos mitrailleuses a traversé la ville, s’est arrêtée en haut de la place d’Austerlitz. Tout le monde est descendu pour voir les Américains et à un moment donné on a vu, arrivant par la rue de l’hôpital, des véhicules qui faisaient partie d’une colonne allemande habillée en jaune, ce que l’on n’avait pas l’habitude de voir. Parce que c’était l’armée de Rommel qui venait de Vitry. Tout le monde est parti en courant jusque chez nous. Les Allemands, à ce moment- là, ont découvert un tué. Je ne sais pas si c’est celui qui était au coin du Jard. La maison que j’habitais et que j’habite toujours était la dernière maison de la rue de la Libération. A ce moment-là, nous avions dans la cave, la maison est importante, beaucoup de personnes, dont Simone Jaunet, qui était là, avec sa maman. Notre maison servait donc d’abri. On a vu la progression de cette colonne allemande qui revenait et je me souviens d’être sorti jusqu’au milieu de la rue de la Libération avec un Allemand armé d’un fusil mitrailleur. Ils montaient de chaque côté. On avait une petite employée à la maison qui criait : « Voilà les Américains, voilà les américains ! » Je lui dis « attention ! ». Ils étaient habillés en jaune. Quand ils sont arrivés à une trentaine de mètres, celui qui était de notre côté a dit « Raus ». J’ai bien compris que ce n’étaient pas des Américains. Ces gens là ont continué à monter la rue. Au-delà de chez moi, dans un bois, il y avait un Allemand qui avait été tué et était étendu là, au coin. Les Allemands sont redescendus fous furieux. Ils sont entrés dans notre propriété et là, j’ai béni le ciel d’avoir été six ans à l’école en apprenant l’allemand. « Terroriste ! Terroriste ! Terroriste ! » L’un d’eux n’avait que ce mot là à la bouche et j’ai fait le tour de la maison avec une mitraillette dans le dos, la mitraillette à camembert, me précipitant dans la pièce, devant lui. Il a fait venir mon père, a fait ouvrir le coffre et a pris ce qu’il y avait dedans. Il m’a volé ma montre et m’a dit : « Ich komme wieder ». Il n’est jamais revenu.
Alors les Allemands nous ont fait sortir et nous sommes tous partis en direction de Verrières ou Daucourt. Dans le groupe que nous formions, il y avait Madame jaunet, Simone, qui était derrière moi et l’élément assez drôle dans cette histoire est qu’il y avait avec nous la grand-mère de Simone, Madame Lacaze, la mère de Madame jaunet, qui avait du mal à marcher. On était les
derniers de la colonne et en arrivant derrière chez Monsieur Darbois qui habitait dans la rue Berryer, on a trouvé, dans le jardin, une petite remorque que l’on attelait derrière les vélos. On a fauché cette remorque et on a installé la grand-mère de Simone dedans. Ainsi on a pu partir jusque Verrières. Et quand on montait, les allemands mettaient en batterie les canons anti chars. On était les derniers de la colonne qui partaient, retenus par cette grand-mère qui avait du mal à marcher. Les Américains tiraient depuis le haut de la ville. A la tombée de la nuit, c’était impressionnant. On avait peur de se trouver entre deux feux. On est enfin arrivés à Verrières et le lendemain les choses s’étaient calmées.
Baillon, dans son livre d’histoire locale, reprend le récit de Maurice Jaunet, pompier qui a raconté : « Parmi les Allemands restés en ville, cinq s’étaient fait remarquer comme ayant volé des montres, une voiture Citroën neuve, etc Ces soldats continuaient leur pillage quand l’un d’eux, sortant du jard, se fait tuer au coin de la place, devant le café de Paris par un FFI. »
Michel Lecourtier et son groupe sont passés près de l’ancien hôpital et ont emprunté le rue Berryer, appelée autrefois Faubourg de Verrières, dans laquelle il restait peu de maisons.