Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Coquelicots et bleuets.

   par Nicole Gérardot



Le coquelicot, onomatopée du chant du coq, s’explique par le fait que la fleur rouge du coquelicot rappelle la crête de cet animal.
Le coquelicot est une plante annuelle. Elle apparaît et disparaît vite. La fleur ne vit qu’une journée. On le rencontre dans les champs de céréales, les terrains vagues et les talus. Autrefois très présent, il est aujourd’hui victime des produits phytosanitaires et de l’agriculture intensive et apparaît moins fréquemment dans nos campagnes.
Les pétales rouges, au nombre de quatre et marqués d’une tache noire à la base, décorent magnifiquement les plats. Dans des salades, on peut ajouter des feuilles de coquelicot. Ses pétales, en tisanes, ont des propriétés sédatives et sont recommandées pour améliorer le sommeil des enfants nerveux. On le retrouve même en bonbon, comme à Nemours dont c’est la spécialité. De ses graines on extrait l’huile d’œillette, autrefois couramment employée et que l’on retrouve aujourd’hui dans les magasins de produits biologiques. Il existe plus de dix variétés différentes de ces « coquelicots » sauvages. Le « papaver Rhoeas » étant la variété la plus fréquente. Il ne faut pas le confondre avec le « papaver somniferum », espèce annuelle à grandes fleurs et dont on extrait l’opium, la morphine, la codéine et l’héroïne.

Le coquelicot, c’est les souvenirs d’enfance et la chanson :

"J’ai descendu dans mon jardin (bis)
Pour y cueillir du romarin
Gentil coquelicot mesdames
Gentil coquelicot nouveau"


Et puis, plus tard, les souvenirs de cette chanson écrite en 1953 par Raymond Asso et immortalisée par Mouloudji :

"Et sur son corsage blanc

A la place du cœur
Y avait trois gouttes de sang
Qui faisaient comme une fleur
Comme un petit coquelicot, mon âme
Comme un petit coquelicot".



Pour nos voisins anglais, le coquelicot représente bien autre chose encore. En voici l’histoire :
Le 2 mai 1915, pendant la bataille d’Ypres, un soldat britannique est tué. Il est inhumé à côté d’autres tombes de soldats sur lesquelles ont poussé des coquelicots. Le médecin-colonel canadien Mac Crae, son ami, compose un poème « In Flanders field »

" Dans les champs des Flandres
Poussent les coquelicots
Entre les croix
Rang par rang
Qui marquent notre place ;
Et dans le ciel volent les alouettes
Qui chantent encore bravement,
Et que l’on entend à peine parmi
Les grondements des canons ici-bas.

Nous sommes les Morts.
Il y a peu de jours
Nous vivions, sentions l’aube,
Voyions le rougeoiement du crépuscule,
Nous aimions et étions aimés,
Et à présent nous gisons
Dans les champs des Flandres.

A vous jeunes désabusés
A vous de porter l’oriflamme
Et de garder au fond de l’âme
Le goût de vivre en liberté,
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d’honneur.
"



Ce poème publié dans un journal anglais devint très vite populaire et un symbole pour les morts de la guerre. En 1920, une Française, madame Guérin, se lance dans la confection de coquelicots, en anglais « des poppys ». Elle ouvre un atelier dans le Kent et crée une association « l’Américan and French Children’s Leag » pour vendre ces coquelicots à l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice. L’argent recueilli devant servir à aider les enfants des pays ravagés par la guerre.
En 1921, le coquelicot est reconnu symbole du souvenir à la mémoire des soldats du Canada, des pays du Commonwealth britannique et des Etats Unis morts à la guerre.
Pour les Britanniques, le 11 novembre est appelé « le Poppy Day » et encore maintenant, ils sont nombreux à le porter sur leur vêtement.

Le « centauréa cyanus » est beaucoup plus connu sous son nom populaire, qui souligne sa principale caractéristique : le bleuet est une des rares fleurs bleues. Comme le coquelicot c’est une plante messicole (qui pousse dans les moissons) et les herbicides sont la principale cause de sa disparition dans les champs.
Les centaurées tirent leur nom du grec kentauros, nom donné à Chiron, le centaure mi-homme, mi-cheval, féru de botanique, qui aurait soigné une de ses blessures et aurait ainsi découvert ses vertus thérapeutiques. Cyanus vient de Kuanos qui signifie« bleu ». Cette plante est originaire du Moyen-Orient. Utilisée en décoction pour soigner les conjonctivites, elle est également surnommée « casse-lunettes ». Modeste fleur des champs, autrefois facile à trouver parmi les blés, douée de vertus apaisantes, le bleuet est la fleur de la simplicité, il est le messager des sentiments délicats, tendres et naïfs. Il est associé aux représentations de la Vierge Marie, sous la forme de guirlandes brodées sur sa robe.
Le bleuet entre dans la composition des couronnes de fleurs en vogue au XVIIe siècle et fait partie, au XVIIIe siècle, des fleurs de prédilection des porcelaines de Limoges.
Mais cette fleur n’est pas une simple fleur des champs, elle est profondément liée aux drames de la guerre. « Bleuet » fut en effet le surnom donné aux appelés de la classe 17 qui, pendant la Grande Guerre, portèrent les premiers l’uniforme bleu. Les poilus de 14 sont en effet partis à la guerre avec un uniforme mal adapté : un simple képi, pas de casque, une grande capote gris-bleu pas pratique, et surtout un pantalon garance très visible.
La première guerre mondiale, en 1918, laisse un champ de ruines, économiques et humaines. Dès 1916, l’Etat crée l’office national des pupilles de la nation, puis celui du combattant pour aider les victimes. De nombreuses initiatives de solidarité associatives se multiplient.

Le « Bleuet de France » est la plus célèbre de ces associations caritatives nées de cet élan. Elle est l’œuvre de deux femmes : Charlotte Malleterre et Suzanne Leenhart. Charlotte Malleterre est l’épouse d’un général qui perdit au combat, une jambe et un bras. Suzanne Leenhart est la veuve d’un capitaine tué à Massiges en 1915. Elles sont toutes deux infirmières à l’institution nationale des Invalides à Paris.
En 1925, elles créent un atelier, employant les mutilés de guerre à la confection de fleurs en tissu, vendues à leur profit. L’atelier se développe. En 1928, le président de la République Paul Doumergue accorde son patronage au bleuet. Le 11 novembre 1934, 128 000 bleuets confectionnés par ces anciens combattants sont vendus dans Paris. L’année suivante, l’Etat décide de généraliser cette vente à l’ensemble du territoire chaque 11 novembre. En 1957 un second jour de collecte sera institué, le 8 mai.
L’œuvre existe encore. Elle dépend du ministère des anciens combattants depuis 1991 et apporte son soutien aux militaires victimes des conflits où la France est engagée ainsi qu’à leurs familles.
Nicole Gérardot

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