Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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On ne s’ennuie pas à la Poste de Menou.

   par Dominique Delacour



Les facteurs et les chiens


Autrefois, les chiens furent parfois un cauchemar pour les facteurs se déplaçant à pied ou à vélo, entrant dans les fermes et les maisons pour déposer le courrier.
L’arrivée des voitures automobiles, la pose de cidex (boîtes regroupées) et les boîtes aux lettres devenues obligatoires, ont résolu en partie les risques du métier de facteur.
Voici quelques anecdotes, pénibles ou drôles vécues par des facteurs du secteur :

- Un facteur descend de son vélo. Un chien se trouve à proximité. Pas très rassuré, il décide de reprendre le guidon. Aussitôt le chien l’attrape au bras et à chaque geste il serre un peu plus fort. Le facteur m’a révélé le temps que cela a duré avant qu’il ne soit délivré. Je ne dévoile pas le chiffre annoncé car il a dû subir, lui aussi, l’effet d’un cœur battant très vite, agissant aussi sur la vitesse des aiguilles de sa montre.

- Une factrice doit livrer un gros colis dans une maison en longeant un jardinet. Un chien, l’air rébarbatif monte la garde, prêt à accueillir à sa façon toute visite. Prenant peur, elle balance le gros colis par-dessus la barrière et se sauve à toute vitesse avec ses petites jambes. Mal à l’aise elle n’est pas retournée voir le devenir du colis

- Un chien peut aussi avoir envie de se mettre en valeur. Une factrice l’a appris à ses dépens en faisant sa tournée. Partie distribuer le courrier dans des cidex, elle laisse la porte de sa voiture ouverte. Pendant ces quelques minutes d’absence, un brave chien de passage, se sent invité. Il entre et s’installe au volant, prêt à essayer la voiture. La factrice de retour, un instant admirative, cherche ensuite à reprendre sa place. Mais le toutou, fier de sa promotion et sûr de son talent, n’est pas d’accord. Il ne va quand même pas rater cette occasion de se faire plaisir. Seule une voisine alertée a réussi, avec beaucoup de patience et de caresses à lui faire quitter sa place de rêve.

- Nous voici maintenant dans une ferme isolée en Argonne. Un chien loup en liberté monte une garde sans merci, obligeant le facteur à klaxonner pour prévenir les habitants de l’arrivée du courrier. Un jour pas fait comme un autre, il n’y a personne. Le chien se charge alors lui-même de l’accueil, assumant son devoir à la perfection. Ne pouvant se payer le facteur à l’abri dans la voiture, il s’en prend à un pneu du véhicule, réussissant l’exploit de l’entailler. Le conducteur s’avoue vaincu, contraint de faire demi-tour sans déposer le courrier, avec une roue à plat et peu après une jante donnant des signes de faiblesse. L’affaire s’est terminée avec les fermiers réglant la note.

Les chiens n’ont pas le monopole de l’agressivité, n’en déplaise à une factrice obligée de prendre un bâton pour se défaire d’un coq de l’Argonne profonde, trop entreprenant.

Le métier s’est féminisé au fil du temps


A partir des années 1960, le métier de facteur s’est peu à peu féminisé. Cela correspond, entre autres, à la fin des déplacements à vélo dans les villages. Beaucoup de métiers sont alors dévolus aux hommes. Les femmes sont présentes essentiellement dans l’enseignement, le social, la santé, dans les bureaux et pour les travaux ménagers.
Jusqu’à ces années, la plupart des femmes n’ayant pas de profession rémunérée sont dénommées « femmes au foyer » ; et pour leurs papiers personnels elles cochent la case « sans profession » à la colonne demandée. Cela a pu choquer vu la réalité de leurs contraintes journalières, souvent remplies au maximum. D’ailleurs, dans les années 1950, une femme a coché « cent » en rayant « sans » dans la case pour protester.
Même à la Poste, tout ne s’est pas passé facilement. D’après le témoignage d’un facteur débutant à Châlons, dans les années 70, les femmes embauchées pour le tri du courrier sont mal vues des hommes qui n’aiment pas les arrêts de travail dus aux maternités car cela chamboule l’organisation.
Par contre les souvenirs de jeunes facteurs débutant dans les villes du département, avant de réintégrer l’Argonne un peu plus tard, concernent l’accès à des domiciles où ils sont accueillis à bras ouverts par la gent féminine en quête de tendresse !!!

Progressivement le pourcentage de femmes à la distribution et au bureau a égalé celui des hommes et aujourd’hui leur présence devient majoritaire, personne n’ayant l’air de s’en plaindre, bien au contraire.
A propos de féminisation, le mot facteur est employé dans ces articles comme terme général. Par contre, dans les anecdotes, ce sera facteur ou factrice suivant le cas.



Les calendriers


La fin de l’année et les calendriers font bon ménage, surtout dans certaines professions et services. Les facteurs et les pompiers sont en première ligne pour continuer cette agréable tradition.
Les facteurs des années les plus éloignées sont les plus enchantés de ces rencontres avec leurs « clients ». C’est simplement une fois de plus pour la plupart d’entre eux.
En effet, leurs tournées journalières sont un moyen de rendre de nombreux services pour dépanner et faire plaisir. Alors, le facteur est attendu de pied ferme à la fin de l’année avec ses calendriers. C’est l’occasion de lui faire plaisir à son tour en remerciement des services quotidiens. Gare à lui s’il ne vient pas.
Au fil des années, les déplacements ont évolué, les règles sont devenues plus strictes. Les cidex ont été installés et les boites aux lettres, rendues obligatoires, ont permis plus de facilité, mais ceci au détriment de la convivialité et des contacts humains. Aujourd’hui, les facteurs se sentent parfois gênés en proposant le calendrier car ils ne connaissent pas tous leurs « clients ».
A ce propos, j’ai entendu plusieurs fois « on a l’air de quémander ». Par contre, dans un village avec sidex, un fidèle du calendrier est obligé de guetter le passage de la factrice qu’il connaît à peine pour pouvoir échanger quelques mots et donner ce qu’il a préparé pour la remercier de ce calendrier.
J’ajoute la réflexion de la fille d’un ancien facteur. Elle m’a dit être fière de voir son père rentrer très gai des tournées du calendrier. Pourquoi ? Je suppose qu’il devait être très content du résultat de sa journée, agrémentée par la chaleur du contact humain. C’est le principal. Inutile d’en rajouter.
Dans les années 1990, un fan du calendrier ne peut s’en passer. C’est pour la météo annuelle sensée être au top pour les prévisions journalières. Il en faut vraiment pour tous les goûts !!! Cette rubrique, indéboulonnable, continue à être insérée. Je souhaite une longue vie au calendrier en lui disant tout bas : « Attention au réchauffement climatique pour les prévisions annuelles ! »

Anecdotes originales


- Des usagers demandent à leur facteur de jouer au loto pour eux. Avec la « pièce » qu’il reçoit en plus à chaque fois, il joue pour lui-même mais il n’a jamais gagné. Il n’a pas dit si ces joueurs ont eu plus de chance que lui !!!

- Un facteur ayant eu 25 mandats à payer, ce qui est alors le maximum pour une journée, s’est fait prendre sa sacoche en fin de tournée. Il s’est absenté pour boire un pot au café du coin, satisfait de sa journée. Je vous rassure, la sacoche était vide.

- Une lettre d’une banque, destinée à un client, arrive par mégarde chez un voisin qui l’ouvre aussitôt. Se rendant compte de l’erreur, il la remet de suite au facteur. Celui-ci retourne à la banque qui accepte de refaire une enveloppe. Cela est donc passé inaperçu en évitant de gros problèmes. Par contre, un courrier peut arriver à un autre destinataire qui ne le rend pas et même parfois, le détruit. Ces situations sont rares mais souvent pénibles à gérer.

- Dans la plupart des cas, le facteur donne l’argent du mandat à l’épouse, présente à la maison. Un jour, une somme rondelette doit revenir à l’époux absent. Sa femme la reçoit à sa place. Mais, depuis peu, le couple est en conflit sévère, à la limite de la séparation et le facteur n’en sait rien. Il a eu beaucoup de mal à convaincre l’épouse de rendre l’argent, sinon il y va de sa poche. La somme étant élevée il a passé quelques nuits sans sommeil. Avec beaucoup de tact et de persuasion, il a réussi à régler le problème.

- Voici le décor : un facteur distribue le courrier. Dans une maison, une fille est à la réception et elle lui demande de remettre un cadeau à un jeune homme du village voisin. Elle veut lui faire une surprise. Elle remplit discrètement une sacoche du vélo du facteur. Celui-ci continue sa tournée et arrive exténué chez le destinataire au bout de 6 kilomètres. Il vide sa sacoche, tout étonné d’y voir des pierres. Aussitôt, il se met à rire de bon cœur. En effet, la fille ne sait pas que son amoureux est le cousin du facteur. Elle comprendra s’être fait piéger elle-même quelques mois plus tard en voyant le facteur, ayant changé d’uniforme, parmi les invités de son mariage. Le secret avait été bien gardé et l’ambiance, déjà au top, de la noce est montée d’un cran.

-Un facteur distribue le courrier à Hans ; Une paysanne arrive, affolée : je suis seule, mon mari est aux champs, une vache va vêler et il faut tirer le veau. Le facteur aperçoit le boulanger en tournée lui aussi pour une autre raison. Il l’appelle et tous les deux, n’en menant pas large, réussirent ce qui est pour eux une première. Les jours suivants le facteur est allé voir le nouveau-né, heureux et fier de le trouver en bonne santé.
A suivre. Dominique Delacour

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