Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Les champignons.

   par Nicole Gérardot



Pour les Argonnais, comme pour beaucoup de ruraux, la forêt est une source de produits alimentaires importants. Celle-ci fournit les produits de la chasse : sangliers, cerfs, chevreuils, mais aussi des fruits sauvages, des baies et des champignons.
J’ai demandé à une ramasseuse chevronnée quels conseils elle donnerait à un novice :
1 “ L’époque : de préférence à la lune descendante et après une petite pluie.
2 “ L’équipement : des bottes ou de bonnes chaussures de marche, un panier en osier (il faut éviter les sacs plastique qui abîment les champignons), un bâton qui aide à marcher mais aussi à soulever les feuilles mortes sous lesquelles certains champignons sont bien cachés, un couteau.
3 “ Les conseils : un dicton dit : l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Le ramasseur de champignons doit partir de bonne heure car les cueilleurs sont nombreux. En général, chacun a ses coins qu’il ne révèle à personne. Un vieux monsieur m’avait dit : « Toi je ne t’emmènerai jamais, je n’emmène que les gens qui sont incapables de retrouver là où ils sont allés ». Il faut être attentif et bien concentré, il ne s’agit pas de cavaler comme un lapin. C’est un véritable plaisir d’être seul dans la forêt, à l’aurore, l’ouïe aussi en éveil pour en percevoir les bruits.

Au printemps, la saison commence par la morille, rare, précieuse, délicieuse et très difficile à trouver, mais à ne jamais manger crue. Puis dès l’été, il peut y avoir une poussée de girolles et de cèpes. Mais c’est en automne qu’on en trouve le plus. Le cèpe, que l’on appelle aussi bolet, est excellent dans l’assiette. Le roi est le cèpe de Bordeaux, mais le bolet tête de nègre est aussi un mets de choix. Dans notre forêt, ils poussent sous les chênes, les hêtres, les feuillus en général. Les girolles ou chanterelles pointent leur nez entre les feuilles mortes ou la mousse. Elles sont souvent groupées. C’est l’un des trois champignons préféré des Français. Les pieds-bleus, les pieds de mouton, les lactaires ne sont pas à dédaigner. Et puis, un peu plus tard en saison, en octobre et novembre, sous les feuillus mais aussi les conifères, on ramasse les trompettes de la mort, les chanterelles en tube. Elles forment de véritables colonies.
L’automne 2019 a été une saison exceptionnelle ! Les ramasseurs de champignons en ont sorti des tonnes de la forêt ! Ils sont vendus à des collecteurs (il y en a plusieurs dans la région) qui, après les avoir triés, calibrés en différentes catégories et conditionnés, les revendent à Rungis. Ils sont aussi vendus directement à des restaurateurs de la région et à des sociétés qui viennent les chercher directement avec des camions frigorifiques. C’est une manne financière non négligeable pour les gens de la région. Cet argent permettra de changer la machine à laver, de réparer la voiture et bien d’autres choses encore
Après une bonne récolte, les congélateurs sont pleins. Les cèpes, les girolles accompagneront les rôtis de gibier des repas de fête Ils peuvent aussi être séchés et mis dans des pots où ils attendront d’être mangés.
Les champignons sont depuis toujours entourés d’une aura de mystère entretenue par la façon dont ils surgissent un beau jour. Ils semblent venir de nulle part. les couleurs et les formes ne font que renforcer le sentiment d’inconnu. Tout comme les pommes, les champignons jouent un rôle ambigu dans les récits mystiques et les contes de fée. Les Champignons hallucinogènes nous conduisent en Nouvelle Guinée où certaines tribus en sont friands. L’amanite des césars était, comme son nom l’indique, très recherchée par les empereurs romains. C’était des denrées de grand prix. L’empereur Claude mourut après en avoir mangé alors qu’elles avaient trempé dans le jus le leur mortelle cousine : l’amanite phalloïde. Si l’on en croit une fresque de la cité ensevelie, les habitants de Pompéi étaient friands de lactaires délicieux.
A la fin du XVIIIe siècle, une découverte permit la culture des champignons de couche. On s’aperçut que ces champignons n’avaient pas besoin de lumière pour pousser, ce qui permettait de les cultiver sous abri. Or Paris était justement entouré de carrières creusées dans la roche calcaire. Ainsi naquit le champignon de Paris Aujourd’hui la production de champignons de culture excède plus de huit millions de tonnes.
Les truffes fabriquent une substance contenue dans la salive des verrats qui attire les truies. Voilà pourquoi les truies, mais aussi les chiens assistent les hommes dans la chasse aux truffes. Ces champignons sont réputés pour leur saveur intense qui imprègne délicieusement les aliments. Il en existe quatre grandes variétés.
Les champignons sont inclassables. Ne faisant pas de photosynthèse, ils ne sont plus inclus dans les végétaux et forment un groupe à part les Fungi. Plus de 100 000 espèces ont été décrites et il en existerait de 1 à 10 millions à découvrir ! La plupart sont minuscules ou souterrains donc invisibles. Les champignons que l’on rencontre en chemin avec un pied et un chapeau ne sont que les parties émergentes visibles. Sous terre, le mycélium est le constituant principal de l’individu. Sous un seul hectare de forêt, on compte 5 tonnes de mycélium qui prélèvent 30% des produits de la photosynthèse des arbres. Les champignons sont en effet incapables d’utiliser l’énergie solaire et ont besoin des sucres des autres plantes. En échange, ils leur apportent des matières nutritives. Grâce à leur surface, ils peuvent aller les chercher loin, permettant aux plantes de faire l’économie de longues racines. Ces échanges renforcent la résistance aux agressions de l’environnement et protègent la plante contre les maladies. Presque tous les champignons que l’on rencontre en forêt ont des échanges avec des arbres et des milliers d’espèces sont connectés à des plantes vertes.

Cherchez l’arbre, vous trouverez le champignon ! Les amanites tue-mouches s’associent avec le pin, le sapin, l’épicéa ou le bouleau. La morille pousse près des frênes. Ces associations témoignent de leurs complicités souterraines (ce partenariat entre les racines et les champignons a été découvert à la fin du XIXe siècle).
Ce que nous appelons « champignons » sont en fait leur sexe. Ces organes de reproduction fabriquent des spores qui sont un peu l’équivalent des graines. On les voit quand on écrase une vesse-de-loup bien mûre. Un seul agaric des prés lâche dans l’atmosphère 100 000 spores à l’heure pendant 5 jours, soit 12 milliards. Il doit tout de même avoir une descendance importante !
Le plus grand de tous les organismes vivants connus est le « champignon monstre » trouvé aux Etats-Unis. Cet armillaire pèse quelque 600 tonnes et s’étend sur 9,6 kilomètres carrés, soit 1 300 terrains de foot ! Constitué de plusieurs clones issus d’une spore unique, ce mycélium aurait entre 2000 et 8000 ans. (Sources : Marc Giraud, fleurs et arbres en bord du chemin).

Mais pour nous, les champignons c’est avant tout le plaisir d’aller les cueillir et aussi de les manger ! J’ai demandé à cette dame qui connaît bien les champignons comment elle lui cuisinait. Son champignon préféré est le cèpe. Elle le fait cuire tout simplement dans l’huile d’olive avec un peu de persil et d’ail. C’est cuisiné ainsi qu’il dégage tout son goût et son odeur ! Le cèpe est un mets de choix.
J’ai cherché dans des livres de cuisine quelques recettes : la poularde au vin jaune et aux morilles ; plus étonnant, les coprins chevelus à la poêle (le coprin chevelu doit être mangé aussitôt la cueillette) ; l’amanite vineuse ou rougissante, encore appelée golmotte et dans notre région « compagnon » se mange frit également ; le feuilleté de cèpes ; le flan aux girolles ; le potage aux rosés-des-prés. Tout cela doit être très bon. J’ai consulté également « la cuisine de l’Argonnais ». J’ai trouvé deux recettes : la quiche aux trompettes de la mort. On les fait d’abord cuire, on les étale sur la pâte, on ajoute une béchamel et on fait cuire. Puis la seconde : les beignets de cèpes. (Pour cette recette, on peut n’utiliser que les pieds). Couper les en lamelles, préparer une pâte avec de la farine, des jaunes d’œuf, un peu d’huile, de l’eau afin d’obtenir une pâte assez épaisse. Laisser reposer une heure. Ajouter les blancs battus en neige, plonger chaque tranche de cèpe dans la pâte puis dans un bain d’huile bien chaude. N’hésitez pas à nous envoyer d’autres recettes.
Je termine avec ces mots de Tristan Bernard : « Les amours sont comme les champignons. On ne sait si elles appartiennent à la bonne ou à la mauvaise espèce que lorsqu’il est trop tard. »
Nicole Gérardot

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