
Crèche vivante en 1983 aux Charmontois organisée par l’abbé Louis.
Le rôle de Joseph était tenu par Dominique Patizel, celui de Marie par sa sœur
Béatrice et l’ange Gabriel par son autre sœur Agnès.
Ci-contre :
Béatrice Patizel (Marie) et Dominique Patizel
(Joseph)
Ci-dessous :
Dominique Patizel “ Christian Million -
Bruno Charligny
Ci-contre de gauche à droite :
Fabrice Michel (petit berger avec la cage)
Eric Chaudron (petit berger avec l’agneau)
Pascal Kreps (petit berger au panier de pommes)
La tradition de la crèche est inspirée de l’idée de génie que saint François d’Assise a eue en 1223. Afin de mieux expliquer aux paysans d’Italie la naissance de Jésus, François imagine de reconstituer la scène avec les villageois, dans une grotte non loin du village de Greccio‰ : un bébé est déposé dans une crèche remplie de paille, un bœuf et un âne lui tenant compagnie, bien qu’il ne soit nullement question du bœuf et de l’âne dans la Bible. La nouvelle se répandit au bourg proche et les villageois arrivèrent avec lumières et cierges. Ce fut la première crèche vivante. Cette idée a fait des émules depuis.
Aux Charmontois, par exemple, en 1983, l’abbé Louis organisa à son tour une crèche vivante dans l’église (voir fin de l’article) avec comme animaux : un veau, un âne et un mouton. Le petit garçon qui jouait le rôle de Joseph est devenu, depuis les dernières élections de mars dernier, le maire du village !
Les enfants grandissant, certains deviennent collectionneurs. Qui n’a pas entendu parler de la collection de Bruno et Sabine Bourg-Broc bien connus à Châlons-en-Champagne mais aussi à Passavant-en-Argonne où ils possèdent également une maison. Leur collection doit comporter environ 2000 crèches dont une partie est présentée chaque année dans divers lieux de la Marne.
Aux Charmontois, avec mon épouse Marie-Christine, nous sommes également devenus collectionneurs et avons à cœur de montrer la diversité des personnages et des façons de représenter la Nativité.
Lorsque j’étais enfant la période de l’Avent était, pour mes frères et moi, celle où nous construisions la crèche. Pour cela, il fallait faire table rase sur un coffre installé dans la salle à manger, aller chercher quelques petites planches pour faire une armature et envelopper le tout avec du papier rocher bien froissé. Quelques branches de sapin et un peu de mousse récoltés dans le bois tout proche formaient le fond du décor. Il y avait bien quelques boules accrochées aux branches mais elles étaient très peu nombreuses. L’essentiel se trouvait dans cet abri miniature pour l’Enfant Jésus qui allait naître. D’ailleurs, pas question d’y installer le poupon avant le retour de la messe de minuit ; cela ne se faisait pas ! Chez mes parents, point de Père Noël ; c’était le P’tit Jésus en personne qui amenait les cadeaux que nous découvrions au retour de l’église.
L’an passé, nous avons fait découvrir aux habitants de Charmontois et des environs une partie de notre collection. En 2020, ce sera à Cormontreuil près de Reims puis, en 2021, retour aux Charmontois
Ce qui est étonnant, quand on découvre le monde des crèches, c’est que chaque pays a une façon propre de représenter les personnages. L’acculturation est parfois complète : on va ainsi retrouver dans des crèches péruviennes l’âne remplacé par un lama ou dans une crèche cambodgienne, les anges habillés avec le costume traditionnel du pays. En Afrique, Jésus, né dans une case, a la peau noire, et les personnages sont habillés de tissus très colorés. Au Japon, l’Enfant Jésus a les yeux bridés !
Les matériaux utilisés sont très divers également suivant l’origine des crèches. On va trouver des crèches du Burkina Faso en bronze, selon la technique de la cire perdue propre aux artisans du pays. Le plus souvent les personnages sont en terre cuite mais on peut en trouver en albâtre (Pérou), en feutre, en papier de récupération (Bengladesh ou Vietnam), en bois d’olivier (Palestine), en papier métallisé (pour les szopkas de Pologne), en cristal d’Arques ou de Saint-Louis (France), en craie de Champagne, etc. En Russie, les personnages (Jésus, Joseph, Marie, les rois mages) peuvent être sous la forme de matriochkas (les fameuses poupées gigognes). En Bretagne, devant la maison de granit, Marie porte la coiffe bigoudène et Joseph le chapeau rond avec les rubans. La revue « Mon Tricot » avait même fourni en 1977 le modèle pour faire les différents personnages au crochet ! La créativité est sans limite. Et puis quel plaisir de créer sa propre crèche en y incorporant les particularités de sa région et, sans doute aussi, la nostalgie de son enfance.
J’ai connu une personne, originaire du sud de la France, qui fabriquait ses propres santons en terre cuite en prenant comme modèle les membres de sa famille. Dans notre Argonne, pourquoi ne pas faire une crèche, réplique d’une maison à pans de bois et tuiles en tiges de bottes (pourquoi pas la maison familiale des grands-parents). Qui sait, si la Nativité avait eu lieu près de Menou, la vieille auge à cochon oubliée dans un coin de la grange n’aurait-elle pas servi de berceau ? Rêver et faire rêver, voilà un beau programme pour Noël, loin de l’aspect mercantile trop souvent dominant.

La maquette qui sert de décor correspond au 7 rue du Moulin, Les Charmontois
Ressortez vos crèches de leurs placards, même si vous êtes agnostiques ou athées. Restaurez les crèches paroissiales trop souvent abandonnées dans les sacristies, car il n’y a plus de messes de minuit dans les petits villages, et présentez-les au public. Vous verrez alors les yeux des anciens pétiller en se remémorant de lointains souvenirs, et ceux des petits s’étonner devant ces santons, réalisés le plus souvent par des mains anonymes, qui évoquent la magie de Noël.
Jean Vigouroux, Les Charmontois