Les régiments de cuirassiers ont fait les beaux jours de Menou ; ces soldats d’élite avaient participé à de nombreux conflits au cours de l’histoire ; la guerre de 14-18 sonnera la fin de la cavalerie…
« On n’a pas idée d’une guerre aussi idiote ; une guerre sans cavalerie » disait un brigadier dans une tranchée au Four de Paris, c’était en septembre 1914.
Ces paroles sont extraites du récit dans le livret « Le Four de Paris » de la collection « Patrie » qui parut en 1918. L’auteur, Léon Groc, raconte les combats dans ce coin d’Argonne, sans beaucoup de descriptions sur le secteur, mais avec comme fil conducteur la vie d’un cuirassier : Guy de Rouvry. Il était devenu brigadier puis maréchal des logis. L’auteur ne donne ni le nom du régiment ni le lieu d’implantation des casernes du quartier de Guy de Rouvry. Mais comme le soldat était descendant de gentilhommes verriers et qu’il pratiquait la chasse dans la forêt d’Argonne, près d’un pavillon dans la vallée de la Biesme, on peut supposer qu’il était au quartier Valmy à Sainte-Ménehould.
Ce quartier de cavalerie avait été construit sur le plateau des Chalaides en 1884 et accueillait pas moins de 600 cavaliers avec 24 écuries, son grand manège et sa carrière pour l’entraînement des cuirassiers.
Les cartes postales montrant ces casernes et les hommes sont très nombreuses ; on voit aussi des cartes où les régiment défilent à travers la ville pour le plus grand bonheur et la plus grande fierté des habitants. Les cuirassiers se déplaçaient musique en tête et participaient aussi à de nombreuses fêtes caritatives.
Les cuirassiers étaient superbes, avec leur cuirasse, leur casque étincelant avec la crinière de crin de cheval, le sabre au côté. Alors on pourrait oublier que ces cuirassiers n’étaient pas là que pour la parade mais qu’ils s’entraînaient pour faire la guerre. Car on n’a pas ou peu de récits de cuirassiers au combat.
Les régiments de Menou quittèrent le quartier Valmy le 31 juillet 1914, la veille de la mobilisation en France, pour ne jamais y revenir. Sont-ils allés rejoindre le corps de cavalerie du général Sordet créé le 2 août à Mézières ? C’est vraisemblable. Ce corps de cavalerie comptait 15 700 hommes, des dragons et des cuirassiers, et son rôle était davantage un rôle de renseignement, de couverture, qu’un rôle d’attaque de choc. Le CC Sordet entra en Belgique le 5 août. C’était, comme le titre certains articles, la fin de l’âge d’or de la cavalerie. On peut lire encore : « Le CC Sordet illustre la mauvaise utilisation de l’arme de la cavalerie… »
Mais lisons l’histoire de Guy de Rouvry :
« Le 3 août, le régiment, précédé par l’éclatante fanfare des trompettes, abandonna sa garnison du temps de paix, au milieu des accolades et des fleurs. Guy de Rouvry était superbe, sur son cheval, malgré l’étoffe kaki dont étaient recouverts son casque et sa cuirasse, dont le poli habituel était incompatible avec la tenue de campagne. Aussi fut-il littéralement bombardé de bouquets et de sourires.
Comme il n’était point fat, il attribua ces faveurs à sa qualité de maréchal des logis bien plus qu’à sa belle prestance ; mais son enthousiasme s’en accrut encore et ce fut de très bonne foi qu’il cria : »À Berlin !" en même temps que la foule qui acclamait les cuirassiers.
Mais quelques semaines plus tard, ce fut Charleroi, puis la retraite, les patrouilles sans gloire, les embuscades sans honneur, la fatigue, la faim, la rage de la défaite."
Guy de Rouvry fit son baptême du feu à Charleroi. Le 3 août l’Allemagne avait envahi la Belgique : la 5ème armée du général Lanrezac rencontra la 2ème armée de Von Bulow. Guy de Rouvry combattait encore à cheval ; ce combat fut un désastre nommé « La bataille de Charleroi ». S’ensuivit la retraite, la bataille de la Marne.
En novembre 1914, le cuirassier se retrouvait dans les tranchées du Four de Paris, mais … à pied :
"Fini, le rêve des charges furieuses où les escadrons, faisant trembler la terre sous le galop des chevaux, se heurtent en une mêlée héroïque. Les cuirassiers se muaient en fantassins. Il fallait abandonner le fidèle camarade qu’est le cheval, apprendre à marcher, à porter le sac, laisser le sabre pour la baïonnette, et faire du mousqueton, naguère accessoire, l’arme principale.
Les cuirassiers n’avaient pas le moral ; l’un d’eux dit :
« Voyez, Maréchal des logis, nous voilà transformés en hommes de boue… »
John Jussy
Patrick Radière, un amoureux de l’Histoire de Verdun nous a fait parvenir des photos d’un cuirassier du 6ème cuir de Menou, un René anonyme qui peut illustrer l’histoire de Guy de Rouvry
Notes : À lire : Le Four de Paris par Léon Groc, collection « Patrie », Rouff éditeur.
Existent également les livrets : « Ceux de Vauquois », « Les chars légers en Argonne ».
Pour en savoir plus, sur internet, taper « général Sordet ».