Un Argonnais raconte l’exode de sa famille au début de la seconde guerre mondiale. En juin 1940, les Allemands arrivent en Argonne et atteignent Sainte-Ménehould le 12. Les habitants se précipitent vers le sud.
En 1940, mes parents habitaient à Hans, petit village proche de Valmy à une quinzaine de kilomètres de Sainte-Ménehould.
En juin, ma mère, accompagnée de ses parents et beaux-parents, avec ses 2 jeunes enfants, Josiane, 27 mois et moi-même, 16 mois, est partie en exode vers le sud, en direction de Vitry-le-François. Toutes les bêtes de la ferme avaient été lâchées dans la nature. Mon père était alors mobilisé et on n’avait pas de nouvelles.
Des chevaux tiraient une charrette avec un chargement hétéroclite : literie, vêtements, provisions. Deux vaches suivaient, attachées à la charrette. Elles devaient fournir le lait dont nous aurions besoin, ma sœur et moi.
Après un certain nombre de kilomètres, le landau que poussait ma mère a rendu l’âme. Comme nous arrivions à Vanault-les-Dames, ma mère est entrée dans une maison que ses habitants avaient désertée et là elle a trouvé un autre landau pour remplacer celui qui ne pouvait plus rouler. Ayant trait ses vaches, elle a même pu faire chauffer le lait sur la cuisinière encore chaude. Et nous avons continué notre route.
Par manque d’hygiène, certainement, j’avais alors de boutons sur les fesses et de la fièvre. Ma belle-sœur a eu la bonne idée de dire à ma mère de faire des enveloppes humides avec une serviette trempée dans l’eau d’un ruisseau. Ce remède s’est révélé efficace.
Passant par Givry-en-Argonne puis par Vitry-le-François, nous arrivons en vue de Brienne-le-Château (Aube). C’est alors que les Allemands nous ont rattrapés en nous disant : « Madame, la guerre est finie, vous pouvez rentrer chez vous. » Brienne-le-Château était en flammes, un dépôt de carburant brûlait. Le maréchal Pétain venait de signer un armistice avec les allemands. Nous avons fait demi-tour. Sur notre trajet nous avons vu des morts, des chevaux en putréfaction, des véhicules de tous genres dans les fossés avec les avions qui nous bombardaient. C’est une chance que nous soyons restés en vie. Sur le retour, nous avons abandonné une vache qui ne pouvait plus marcher. Nous avons parcouru près de 200 km en tout.
Arrivés dans le village, nous avons eu du mal à récupérer tout notre bétail. Le Maire a eu la bonne idée de demander aux habitants de rassembler toutes les bêtes qui, comme par enchantement ont retrouvé leurs étables, écuries et bergeries.
La vie a repris son cours mais les années suivantes furent très difficiles avec l’occupant allemand. Puis ce fut la libération avec l’arrivée des Américains.
Un Argonnais