Avec l’automne, revient la saison des soupes.
Les plus traditionnelles sont celles aux poireaux ou au potiron, mais les ménagères savent les diversifier en ajoutant les légumes du potager : carottes, navets, courgettes, tomates, brocolis, cresson.
La bouillie de céréales, la soupe et le pain constituent les plus anciennes recettes de cuisine. Dans nos campagnes argonnaises, ils ont été longtemps les plats principaux des repas.
La bouillie se faisait à base de farine délayée dans un mélange d’eau et de lait. Elle devait cuire à petit feu. Cette nourriture semi liquide était appréciée des bouches édentées et a joué un rôle important dans l’alimentation des enfants. C’était la nourriture des pauvres. On préparait une autre forme de bouillie en jetant directement la farine dans le lait bouillant pour former des grumeaux ou grumelets. On obtenait alors « la bouillie aux grumées » (patois de Florent).
À l’origine, au Moyen-Age, la soupe désignait le morceau de pain sur lequel on versait le bouillon. On « trempait la soupe ». On pouvait aussi, au dernier moment, disposer les tranches de pain sur le bouillon. Les vieux Argonnais faisaient-ils « chabrot » comme les Champenois ? Ceux-ci mettaient en effet un reste de vin rouge dans leur soupe encore chaude et buvaient à même l’assiette (mémoire du patrimoine en Champagne). La soupe au vin était un gage de bonne santé.
La soupe au lard ou potée est connue de tous. Elle est composée de lard, de porc salé (mis à dessaler la veille), avec carottes, navets, céleri, pommes de terre, haricots blancs (trempés depuis la veille au soir). Il n’y a pas encore si longtemps que l’on voyait sous les auvents des granges des bottes de haricots pendus. En hiver, l’écossage était le travail des grands-mères.
Cette soupe, peu compliquée, représentait pour la ménagère un avantage, elle cuisait toute seule, le pot pendu à la crémaillère ou posé en avant de l’âtre. En rentrant de ses travaux à la basse-cour, elle ajoutait le chou et les pommes de terre qui demandent moins de cuisson.
Au moment de servir, la cuisinière coupe de larges tranches de gros pain dans la soupière (une belle soupière des faïenceries des Islettes ou des environs). Sur ces tranches, elle verse le bouillon aux larges yeux. Puis dans un plat, elle dispose les légumes et le morceau de salé rose qui tremblote. Le fumet emplit toute la cuisine.
Le bœuf était réservé pour les grandes occasions : fêtes patronales, premier janvier, mariages. Le bifteck était inconnu. Il y avait tout de même un jour où l’on ne mangeait pas de soupe au lard. C’était le vendredi. En mémoire de la mort du Christ, on faisait maigre. On mangeait la soupe au lard, mais sans lard. C’était la « soupe maigre ».
Avec le temps les menus sont devenus plus variés. La soupe devint plus raffinée et se transforma en potages plus légers.
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J’ai retrouvé quelques recettes de soupe qui semblent oubliées de nos jours.
La soupe à l’oseille
- (Autrefois, dans tous les jardins, il y avait de belles touffes d’oseille)
- Cueillir une poignée d’oseille, hacher les feuilles et les faire revenir avec du beurre dans une casserole. (touiller avec une papinette).
- Verser 3/4 de litre d’eau. Laisser frémir sans bouillir.
- Au choix, ajouter dans la soupe des petites pâtes ou du pain en morceaux. - Battre un jaune d’œuf dans du lait froid, le verser dans la soupe et déguster aussitôt.
Panade
Faire chauffer de l’eau légèrement salée avec une noix de beurre. Ajouter des tranches de pain de ménage, un œuf battu, du lait, saler ou sucrer selon le goût.
Soupe à l’oignon
Dans une poêle, faire revenir un oignon, puis verser dans une casserole environ 1/4 de litre d’eau et un 1/2 litre de lait, verser les oignons et faire bouillir. Ajouter des tranches de pain ou des pâtes à potage. Saler, poivrer.
Soupe aux herbes
« Les herbes » sont un mélange de bettes, poireaux, salade ; cerfeuil, persil que l’on épaissit avec des pâtes.
(Source : folklore de Champagne).
Dans son livre : « Recettes argonnaises d’hier », Mme Cappy cite la soupe aux cinq légumes pour l’hiver.
- Il faut cinq parts de légumes pour une part de sel.
- 500gr de d’oignons, 500gr de carottes, 500gr de tomates, 500gr de persil, cerfeuil, céleri, 500gr de sel.
- Hacher le tout très fin, bien mélanger avec le sel et remuer longuement. - Mettre en pot ou en bocal.
- Utilisation : Pour ½ litre d’eau, il faut une cuillère à soupe de mélange. - Ajouter quelques pommes de terre et laisser mijoter une trentaine de minutes. Mouliner et ajouter beurre ou crème.
Une amie prépare encore en été sa soupe verte qu’elle conserve dans des bocaux.
Elle m’a confié le cahier de recettes de sa mère qui était une fameuse cuisinière et un cahier de sa belle-mère lorsque celle-ci était à
l’école ménagère (1937-1938). J’y ai trouvé de nombreuses recettes de soupe : paysanne, liègeoise, à la fermière, potage basque, savoyard, cultivateur, villageois, à l’aurore. Ce sont les produits que l’on ajoute qui sont différents : riz, pois cassés, lentilles, gruyère. Ce qui ne manque pas dans ces soupes, c’est le beurre et la crème (1dl). Mais nos aïeux, après une journée de labeur, souvent dehors, avaient besoin de reprendre des forces.
Toujours dans la revue « Folklore de Champagne », voici encore une très ancienne recette :
"L’année 1662, les pauvres ont eu une grande nécessité ; pour les soulager on fit des potages quatre ou cinq jours par semaine, lesquels étaient faits :
Un ou deux siaux d’eau.
Trois quarterons de beurre, de lard ou autre graisse.
Un demy potot (?) de sel.
Pour deux sols de poivre.
Une pinte et demie de poix, cuits dès le soir auparavant.
Une grande panerée d’herbes.
Et tout ce que dessus bien bouilly ensemble dans une grande chaudière ; on y met 12 à 15 livres de pain coupé en morceaux, et après avoir bouilli, on en distribue une écuelle à chaque pauvre. Pour rendre meilleur le-dit potage, on y met quelquefois une fressure de mouton ou quelqu’autre morceau de viande coupée."
Qu’y a-t-il de changé, quand, à la télévision, on voit des bénévoles de la Croix rouge ou d’autres associations humanitaires distribuer de la soupe aux sans-abri ?
Pour terminer sur une note plus gaie, voilà quelques expressions avec le mot soupe :
- Arriver comme un cheveu sur la soupe.
- Cracher dans la soupe.
- S’emporter comme une soupe au lait
- La soupe à la grimace
- Trempé comme une soupe
- Marchand de soupe
- Gros plein de soupe
- À la soupe !
- C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes !
Nicole Gérardot