Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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L’origine d’un vitrail de l’église des Charmontois : miracle... ou pas ?

   par Jean Vigouroux



L’histoire, que je vais vous conter, débute dans la paroisse des Charmontois en janvier 1874. Auguste Aurélien Gatelet est alors âgé de douze ans. C’est le fils d’Alfred Gatelet, cultivateur à Charmontois-le-Roi et de Eglantine Fenaudel sa femme. Après avoir passé quelques mois au collège de Sainte-Ménehould, il rentra dans sa famille atteint d’une maladie qui au départ ne semblait pas grave, du genre rhume ou coqueluche.
" Mais bientôt le mal prit les caractères les plus tristes que l’on rencontre dans certaines maladies nerveuses et dans de telles proportions que plusieurs médecins appelés à traiter l’enfant ne purent lui apporter aucun soulagement. Dès le premier mois de la maladie, des crises de deux sortes affectaient le malade alternativement et très régulièrement. Dans la première sorte de crise, l’enfant jouissait de ses facultés intellectuelles, il entendait et comprenait ce qu’on disait, mais il ne voyait presque pas, ne pouvant distinguer même les plus grosses lettres du titre d’un journal ; il ne pouvait se soutenir, et pendant qu’on le portait pour le soigner ou lui faire prendre des bains, sa tête retombait comme inerte sur ses épaules. Sa parole était si faible et les quelques mots qu’il essayait de répondre aux interrogations étaient si peu articulés que les personnes habituées à son langage pouvaient seules le comprendre. Dans cet état il ne pouvait rien prendre. Quand cette crise était passée, on avait dix minutes de répit pendant lesquelles il prenait quelque peu de nourriture, mais il fallait qu’elle fût bien liquide, car il éprouvait une telle gêne au gosier qu’aucun aliment solide ne pouvait passer. Alors commençait la crise de la deuxième sorte pendant laquelle l’enfant n’avait plus la raison. Il poussait des cris déchirants, blasphémait, prononçait des paroles injurieuses et menaçantes contre ses parents ou contre toute autre personne ; plus on voulait modérer ses transports, plus il s’irritait. Il fut un temps où ce n’était pas trop de deux personnes pour le maintenir sur son lit.
Dans le dernier mois de ces crises, il ne voulait supporter sur lui aucune couverture, aucun vêtement. Bien qu’il eût les membres glacés, on le vit déchirer plusieurs chemises, il endurait à peine un gilet de flanelle. Sa crise passée, l’enfant n’avait plus aucun souvenir de ce qu’il avait dit ou fait. Si on lui parlait dans ses moments de calme de ces actes de violence, il en éprouvait un grand chagrin. Ces deux sortes d’état ou de crise ont duré d’abord chacune un quart d’heure, puis une demi-heure, une heure ; à la fin elles se prolongeaient l’espace de trois heures, et entre chacune il n’y eut jamais que dix minutes d’intervalle. Pendant les nuits, l’enfant ne reposait que par la force des potions calmantes qui lui étaient administrées. Cependant au dernier mois le sommeil était redevenu naturel, la maladie dura ainsi depuis le mois de janvier jusqu’au mois de juin avec quelques variétés, mais sans amélioration sensible. Les crises étaient devenues peut-être un peu moins intenses mais leur durée allait toujours en augmentant. Pendant ce temps on ne pouvait quitter l’enfant ; sa mère fut près de quatre mois sans se coucher."
Telle est la description de son état lorsque parut en 1875 un petit opuscule chez Henri Briquet, éditeur à Saint-Dizier, relatant les faits.
Monsieur Pouillot, médecin à Givry-en-Argonne, fut appelé et suivit la maladie ; le docteur Nidard de Sainte-Ménehould vit le malade trois fois ; le docteur Osierki, de la même ville, lui succéda et en référa à un spécialiste de Paris, le docteur Voisin. Certaines personnes pensaient même y voir les signes d’une possession du Malin !


Le docteur Auguste Félix Voisin fit finalement le diagnostic suivant : épilepsie avec vertige et hallucination. Ce célèbre médecin de la Salpétrière considérait cette maladie comme incurable ou tout au moins comme très longue et très difficile à guérir. Il fut décidé de transférer le petit Gatelet dans un établissement de Saint-Dizier où il pourrait subir un traitement hydrothérapique.
Le 2 juin 1874, Monsieur Maigrot, directeur de l’établissement et le docteur Osierki jugèrent qu’ils avaient à faire à « une forme d’hystéro-épilepsie à forme délirante avec accès de manie furieuse ».
L’enfant fut soumis à des douches froides mais rien n’y fit, les crises étaient toujours aussi violentes.
Le 3 juin, alors qu’il était dans un état calme, il demanda à sa mère de prier pour lui et lui fit faire la promesse de le conduire en pèlerinage à Lourdes. La mère acquiesça aux désirs de son fils et à l’instant même où elle donna son accord, l’enfant dit : « Je suis guéri » et demanda à aller prier. Le lendemain il assista à une première messe. Quatre jours plus tard, il allait prier à l’église de Notre-Dame de l’Epine et de Sainte Philomène de Châlons et enfin, le 13 juin, il entreprit le grand pèlerinage à Notre-Dame de Lourdes sans éprouver beaucoup de fatigue. Il faisait partie du train spécial organisé par la paroisse Saint-Sulpice de Paris.
Le docteur Maigrot écrivit au mois d’août : « Il s’est passé au mois de juin de cette année un fait de guérison si extraordinaire à l’établissement hydrothérapique de Saint-Dizier qu’on peut le considérer comme un véritable miracle. »
Le curé de la paroisse des Charmontois, qui a suivi toutes les phases de la maladie du jeune Gatelet, a attesté l’authenticité de cette guérison.
Lorsque, près d’une dizaine d’années plus tard, le curé des Charmontois fit installer des vitraux dans son église, il eut, parmi les donateurs, un certain Auguste Aurélien Gatelet !
Si vous ne connaissez pas l’église des Charmontois, n’hésitez pas à faire le déplacement. Les vitraux du XIXe siècle y forment un superbe ensemble. Ils sont dus à Zénon Dez, peintre-verrier de Somme-Suippe. Ils ont été restaurés en 2019.
Malheureusement, cette église présente de nombreuses fissures suite à l’écartement des murs et aux sous-dimensionnements de ses contreforts. Une coopération avec la Fondation du Patrimoine a été initiée en juillet dernier de façon à récolter des fonds pour la consolidation de la structure de l’édifice. Vous pouvez participer, vous aussi, à la restauration de cette église par vos dons à l’adresse suivante :
https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/eglise-sainte-marie-des-charmontois
Jean Vigouroux

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