Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Qu’est devenu Guillaume, le 2e homme de Varennes ?

   par John Jussy, Luc Delemotte (dessin)



Guillaume avait galopé avec Jean-Baptiste Drouet jusqu’à Varennes en ce 21 juin 1791 et participé à l’arrestation de Louis XVI. Mais si Drouet a laissé son nom dans l’histoire, Guillaume a plongé dans l’anonymat. Un article d’un journal du XIXe siècle, pas apprécié de tous, nous raconte sa fin tragique.

À Sainte-Ménehould, ce soir-là, la municipalité se réunit et décide d’envoyer des hommes à la poursuite de la voiture qui, dit-on, renferme la famille royale en fuite. Mais il faut des chevaux, pas des chevaux de trait, et des hommes sachant monter à cheval. Les deux volontaires seront Jean-Baptiste Drouet, le maître de poste, et son ami Guillaume. Tous deux étaient d’anciens dragons.
Jean-Chrysostôme Guillaume était le fils de Jean Guillaume, marchand traiteur, et de Jeanne Cottrez, qui exploitait une auberge située dans la rue Florion. Une tête de sanglier se trouvait sur l’enseigne de la maison, ce qui donna le surnom de La Hure, au père, d’après Louis Brouillon, au fils selon A. Vast. Qui tenait l’auberge, le fils ou le père ? Guillaume a aussi travaillé comme commis de district.
À Paris, Drouet et Guillaume ont les honneurs et reçoivent des récompenses. Le décret royal du 18 août 1791 stipule : « Il sera donné au sieur Drouet, maître de poste à Sainte-Ménehould, la somme de 30 000 livres. Au sieur Sauce, procureur de la commune de Varennes, 20 000 livres » Guillaume reçut 10 000 livres mais il rendit l’argent pour le distribuer à l’Hôtel des Invalides.
Drouet était devenu sous-préfet, tout allait bien, même si quelques Ménéhildiens craignaient toujours d’éventuelles représailles. Mais la famille de Guillaume lui faisait un accueil un peu froid et ne venait jamais le voir. De son retour de Paris, Guillaume avait hérité de l’auberge de ses parents et d’un jardin avec une maisonnette situé en haut de la côte Le Roy. C’est là que Guillaume vivait comme un ermite, peut-être parce qu’il voyait bien que la population lui était hostile.
Et puis ce fut Waterloo et le retour de la royauté : Louis XVIII était roi et la « terreur blanche » commençait, période où on allait régler les comptes. Drouet se sauva et se cacha à Mâcon sous un faux nom. Guillaume avait choisi de rester en Argonne. Un journaliste, René de Pont-Jost, écrivait cette histoire en assombrissant le tableau :
« Il osait à peine regarder les passants par-dessus la haie de son jardin. Parfois, la nuit, il était réveillé par des appels sinistres. Il finit par ne plus oser sortir…il était poursuivi par d’interminables »le Gicide, à mort".
Guillaume avait été nommé lieutenant dans son ancien régiment de dragons, mais là encore, il devait subir l’attitude méprisante des officiers. Il démissionna.
Le journaliste continue son récit :
"Un soir qu’il revenait de la ville et qu’il n’était qu’à cent pas de sa maison, il se trouva face à face, au détour de la route, avec une bande d’écoliers qui retournaient à leur pensionnat. Ce fut aussitôt, bien qu’aucun mot d’ordre n’eût été donné, une explosion de cris et de menaces. Les grands et les petits s’étaient mis en travers du chemin pour lui barrer la route et l’assaillir de cailloux et de graviers en hurlant : Le Gicide, Le Gicide, à mort, assassin du roi.
Les maîtres ne parvinrent que difficilement à délivrer la victime qui, couverte de sang et de poussière, affolée, alla tomber comme une masse contre la haie de son jardin."

Dans le journal « Charivari » de 1864 ; G. De Vorney ne cautionne pas ce récit :
« Vous les voyez d’ici, ces braves potaches, tout fiers de lapider, sous l’œil de leurs maîtres, un vieillard inoffensif ? »
Un vieillard ? Selon Louis Brouillon, historien de la ville : « Guillaume avait, lors de la fuite à Varennes 22 ans. À sa mort en 1849, il avait 70 ans, un âge bien avancé quand on sait qu’à cette époque l’espérance de vie était de 43 ans…Son ami Drouet étant mort en 1824… »

Une fin tragique.
René de Pont-Jost nous livre la fin de la tragédie :
« L’affaire fit grand bruit dans Sainte-Ménehould et le lendemain matin le commissaire de police se présenta chez lui. Il le trouva noyé, depuis la veille, dans le tonneau d’arrosage de son jardin, récipient qui ne contenait pas plus d’un mètre d’eau. Mais, résolu de ne pas échapper à la mort, Guillaume s’y était jeté la tête la première et l’asphyxie avait ainsi mis fin à son long châtiment. »

Mais, à cette époque, les suicidés n’avaient pas droit à l’église.
« Plein d’indulgence chrétienne, et jugeant qu’il avait suffisamment expié, le curé accepta la possibilité d’une mort accidentelle et accorda les prières de l’église à Guillaume Le Gicide. »

G. De Vorney commente de récit :
"Rien ne manque à cette scène ignoble, depuis le commissaire de police qui se serait empressé d’arrêter pour scandale le martyr Guillaume, si celui-ci s’était permis d’être encore vivant, jusqu’au curé qui pousse son amour des cadavres au point de voler celui d’un régicide.
L’horreur est complète, mais ce qui la fait naître, ce n’est pas la mort lamentable d’un être martyrisé, c’est la basse et ignominieuse barbarie des bourreaux de la terreur blanche."


Louis Brouillon a une version plus simple :
« Guillaume passait un soir d’hiver près d’un tonneau défoncé placé sous la gouttière de sa maisonnette. L’honnête vieillard fit une chute dans l’eau glacée et, pris de congestion, ne put se relever. Il fut trouvé mort le 28 février 1840, à neuf heures du soir. »
Louis Brouillon qui a écrit son livre au début du XXe siècle avait recueilli des témoignages des descendants de Guillaume.
Triste fin pour un homme qui croyait n’avoir fait que son devoir et qui était presque oublié de l’Histoire. Pour la mémoire, Drouet a sa rue à Menou, Guillaume non. On peut lire dans le livre de Baillon (page 287, édition originale) :
« Le 28 juin 1791, l’abbé Fr. Buirette, principal du collège…proposait de donner le nom de Drouet à la rue de la Porte des Bois et celui de Guillaume à la rue Florion avec plaque de marbre à l’entrée de leurs domiciles. »
Rien ne fut fait à l’époque. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que Drouet mange un bout de l’avenue Victor Hugo. Pour Guillaume, rien…

La famille Guillaume :
- Sa femme : Marie-Anne Féraux, mariage en l’an II.
- Ses enfants : Félix, né en 1795, deviendra comptable dans une abbaye.
Jeanne, née en 1796.
Anne, née en 1798, décédée en 1880.
Guillaume avait aussi reçu de la commune de Paris une épée d’honneur sur la coquille dorée de laquelle était gravée cette inscription : « La commune de Paris au civisme, à la prudence et au courage de J.C. Guillaume le 24 juin 1791 » (date de la visite à Paris).
Ses descendants ont-ils gardé cette pièce ?

N.B. : Dans le texte des indemnités, le nom de Guillaume est écrit Guilhaume. Son second prénom est Chrysostôme. Jean Chrysostôme était archiviste de Constantinople au 4e siècle. C’est un saint d’église.

John Jussy


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