Ils ont dû être bien étonnés, les Valmaisiens et les Valmaisiennes, de voir un énorme ballon dirigeable se poser en haut de la côte, sur le site de Valmy. La nuit arrivait bientôt ; comme on était en hiver, il devait être entre 16 et 17 heures. Le moteur du ballon ne fonctionnait pas normalement, un tuyau d’essence faisait des siennes et il avait fallu trouver un terrain pour se poser et réparer.
Ce ballon s’appelait « Ville de Paris ». C’était un ballon militaire qui avait été offert par Salomon Henri Deutsh de la Meurthe, industriel et mécène qui s’intéressait fort à l’aviation. Le « Ville de Paris » devait remplacer le défunt ballon « La Patrie ».
En effet, ce 30 novembre 1907, le dirigeable
« La Patrie » avait dû se poser en catastrophe suite à une panne bien bête : l’adjudant Girard qui était à bord avait coincé un morceau de son pantalon dans l’engrenage de la magnéto… C’était à Souhesmes-la-Grande près de Verdun, là où était basé le ballon. Mais les rafales de vent devenaient de plus en plus violentes et, le 2 décembre, le dirigeable s’envola, non vers l’Allemagne comme on le redoutait, mais vers l’Angleterre. Il fut retrouvé sur une plage du Pays de Galle. On dit que les Anglais, fort gentiment, ont renvoyé à la France un morceau du moteur… « La Patrie » n’avait qu’un an. La presse s’empara de l’événement et les caricatures furent nombreuses !
Sur le plateau de Valmy, le dirigeable faisait grande impression : 62 mètres de long, 10 mètres de diamètre pour le ballon, avec en dessous la nacelle, un moteur Panhard et Levasseur de 70 chevaux. Mais la vitesse ne dépassait pas les 40 km à l’heure. Le ballon était parti de Sartrouville, au nord-ouest de Paris, à 9 h 10 mn : 7 h pour moins de 200 km… Dans la nacelle suspendue au ballon, trois hommes : le pilote Kapfere, le commandant Bouttieaux et un mécanicien. Le dirigeable allait à Belleville, près de Verdun, une des places-fortes à la frontière où étaient basés les dirigeables. La guerre était proche et les ballons devaient être destinés à des reconnaissances ou même à des bombardements. En 1914, la France possédait 214 avions et 7 dirigeables.
Le « Ville de Paris » arrivera à destination à 7 h 10 mn et le voyage aura duré au total 9 h 57 mn.
Le ballon fut rangé dans un immense hangar pour attendre ses prochaines missions. Il a été opérationnel jusqu’en 1910. Le ballon qui lui succéda n’aura pas beaucoup de chance, lui non plus.
Le « République », un énorme ballon de 61 mètres de long, participait aux grandes manœuvres en septembre 1909 quand une hélice se cassa et l’enveloppe fut déchirée ; Il s’écrasa à Jussy-le-Chaudrier, près de Moulins et cette fois-ci, l’accident fit 4 morts. Ce ballon n’avait lui aussi qu’un an…
De la chance donc pour le dirigeable posé sur le plateau de Valmy. Que l’on se rassure, il n’y avait pas, à l’époque de moulin, celui qui avait été reconstruit après la bataille de 1792 était hors service depuis le milieu du XIXe siècle. Mais il y avait surtout la pyramide contenant le cœur du général et la grande statue de Kellermann érigée en 1892. D’ailleurs le journaliste qui relate l’évènement a écrit : « Coïncidence curieuse, c’est sur l’emplacement du champ de bataille de Valmy, que se fit l’escale. »
Et les habitants, quand on sait que le ballon était gonflé à l’hydrogène, vu aussi les fréquents accidents, étaient-ils curieux, admiratifs ou méfiants ?
La réponse est certainement dans un autre article : « Après avoir réparé le tuyau d’essence cause de l’arrêt, l’auto-ballon repartit à 5h 35. À 16h 10 il passait au-dessus de Sainte-Ménehould et poursuivait son voyage éclairé de temps en temps par les phares des voitures qui étaient venues à sa poursuite ou à sa rencontre. »
John Jussy