En 1990, une plaque a été dévoilée à Sainte-Ménehould à l’issue d’une cérémonie émouvante à laquelle j’avais été conviée. Pourquoi doit-on dévoiler une plaque ? Parce que ce geste symbolique empêche un autre voile de retomber sur les faits qu’on préfère cacher ou taire. Les noms gravés dans la pierre interdisent désormais à la mémoire collective de les effacer. Le même nom se répète huit fois, Finkelstein. Une famille juive entièrement anéantie. Le dernier nom, Syma Ksiazenicer, est celui de ma mère.
Mon père Félix Ksiazenicer était arrivé en France en 1923, fuyant les pogroms en Pologne. Il avait laissé là-bas une jeune fille rencontrée à Varsovie (…) Ils s’étaient mariés selon le rite juif avant son départ. Il devait en France, à Nancy, retrouver un beau-frère parti avant lui. Sa vie était précaire. Poussant une voiture à bras, il faisait du porte à porte vendant de la confection à domicile.
En 1924, ma mère vint le rejoindre. Elle ne se doutait pas, lorsqu’elle monta dans le train de Varsovie à destination de Nancy, que, quelques années plus tard, elle referait une partie du voyage en sens inverse. Elle croyait prendre un aller simple. Elle était née en 1901. C’est donc une très jeune femme qui débarqua à Nancy, ne sachant pas un mot de français, mais décidée à s’intégrer et à adopter les mœurs et coutumes de cette France réputée terre d’asile. Ils se marièrent civilement à la mairie de Nancy. Je naquis en février 1926 à Nancy. Plusieurs fois mes parents demandèrent leur naturalisation, toujours ajournée : ils n’avaient pas de fils.
Le porte à porte n’était guère rentable, mon père eut l’idée de s’associer à un oncle, propriétaire d’une boutique rue Chanzy à Sainte-Ménehould. Cela tenait du bazar et du magasin de confection. Les deux femmes servaient à la boutique, pendant que les hommes amélioraient les revenus en tournant dans la région. Ils ne revenaient qu’en fin de semaine à Sainte-Ménehould. L’association dura un moment puis cessa, minée par des divergences entre les deux hommes. Commença alors un long périple qui verra mon père, dans les corons de la région de Douai, puis à Ligny-en-Barrois. En 1934, une petite sœur, Colette, était née. Les affaires devinrent plus prospères. La voiture à bras fut remplacée par une vieille Ford d’occasion, dont le vert cru me réjouissait beaucoup. À nouveau, mon père ouvrit une mercerie-bazar. Je me souviens que j’aimais le toucher de la laine, des rubans. Mon père apprit qu’un magasin plus important était à louer à Bar-le-Duc, Boulevard de la Rochelle. Nous y partîmes. Bientôt, il posséda un deuxième magasin à Saint-Dizier.
Un jour, fin 1939, j’étais avec mon père à la gare de Bar-le-Duc. Il expédiait des colis, lorsque le fracas d’une bombe nous parvint. Pris en chasse sur le front, des avions avaient largué leur charge en route. Lorsque nous atteignîmes la maison, ce fut pour trouver ma mère et ma sœur dans les décombres. Ma mère blessée, ma sœur morte. Une jeune étudiante qui s’était réfugiée là était morte, elle aussi. Mon père ne se remit jamais tout à fait de la mort de ma petite sœur et resta assombri pendant des années.
En 1940, à l’évacuation, nous partîmes à Orthez [Pyrénées-Atlantiques] retrouver un membre de notre famille installé là-bas. Mais la vie fut vite très difficile. L’argent manquait. Il restait bien le deuxième magasin à Saint-Dizier, mais les risques en zone occupée étaient lourds. Mon père les prit. Il remonta, vendit le plus de marchandises possibles et redescendit avec de l’argent frais. Après Orthez, nous vécûmes quelques mois à Pau, puis nous rejoignîmes Saint-Dizier. La boutique était là, la source de revenus aussi.
Mais les lois de Vichy imposèrent à mon père de prendre un commissaire gérant.
Finalement, mon père fut obligé de vendre son fonds de commerce. Les persécutions et les menaces s’intensifiant, nous nous réfugiâmes à Sainte-Ménehould. Mon père pensait que
ce bourg tranquille était une cachette sûre. Il loua une maison, rue Kellermann.
Nous y vivions le plus discrètement possible, des légumes du jardin, des poules et lapins que mes parents élevaient. J’ai toujours vu mes parents vivre en bonne intelligence avec les voisins. Ma mère accueillait, partageait, donnait ce qu’elle n’avait pas. C’était une femme belle, profondément bonne et généreuse. Elle attendit bientôt un autre enfant pour consoler mon père de la perte de sa fille. Cela peut sonner comme un défi en ces temps d’incertitude.
Des rumeurs de plus en plus alarmantes circulaient. Beaucoup de membres de notre famille étaient passés en zone libre. Mais mes parents restèrent. Ma mère refusa de partir. Certes, ils étaient fichés, certes ils portaient l’étoile jaune, certes ils avaient dû vendre leur boutique. Mais quelque chose en eux refusaient d’envisager l’étape suivante, les arrestations, la déportation. Et ma mère avait un raisonnement simple. Ce sont les hommes qui font la guerre, pas les femmes. Elle ne craignait rien, elle était enceinte. Belle naïveté.
À cette époque, j’avais quinze ans. Je travaillais dans une librairie à Sainte-Ménehould. Mon adolescence marquée par l’humiliation de l’étoile jaune, par l’insécurité, la menace, a brutalement basculé un jour de 1942. Ce jour-là, deux gendarmes français arrivèrent à la maison avec mission d’arrêter mon père. Ma mère, malgré sa peur, leur fit face et prétendit qu’elle ignorait où il était parti, lui laissant ainsi le temps de s’échapper par le jardin derrière la maison. Il se cacha chez des habitants de Sainte-Ménehould qui se débrouillèrent pour me faire savoir qu’ils ne pourraient pas le garder. Je devins messager et artisan de la fuite de mon père. Je connaissais un employé des Chemins de fer, Monsieur Pottier, un homme courageux.
Il fabriqua ou fit fabriquer une fausse carte grossièrement imitée, me conseilla de « déguiser » mon père en un « Français moyen ». Il devait s’habiller en cheminot, porter un béret sur la tête et une musette à l’épaule. Restait un problème épineux : comment allait-il se rendre à la gare de Châlons sans être reconnu et dénoncé ? Un garagiste nous aida et le transporta.
À cinq heures du matin, il s’embarqua vers la zone libre, espérant retrouver sa sœur là-bas.
Mon père parti, j’insistai auprès de ma mère. Et nous ? N’allions-nous pas nous sauver ? Non, elle s’obstina.
Les vagues d’arrestations se suivirent. Notre tour arriva. Les gendarmes revinrent, nous embarquèrent. Je me souviens parfaitement du visage du gradé français qui assistait à l’interrogatoire. Dans la pièce, je retrouvais Rosette Finkelstein, ma camarade de classe quelques années auparavant. Une réflexion peu glorieuse, mais qui obéit à la loi du « chacun pour soi », me fit protester : « Je suis juive, mais je suis Française ». Consultée, la sous-préfecture confirmait. Je fus relâchée, ainsi que ma
mère ensuite, provisoirement.
Quant aux Finkelstein, le père, la mère, le fils et la fille aînés furent internés à Châlons ce jour-là. Les quatre plus jeunes furent placés à l’hôpital en sursis. Plus tard, ils « partirent » comme ma mère. Je revins rue Kellermann. Les scellés avaient été mis. Je les fis sauter. Aidée par une sage-femme, ma mère accoucha bientôt de mon petit frère Michel. Je revins à la charge. On m’avait laissée filer mais pour combien de temps ? Et elle ? Juive et étrangère, allaient-ils la laisser libre ? Mes supplications furent vaines.
Cette fois, ma mère avait peur que le bébé meure en route ; il était si fragile, si petit.
Comment s’embarquer dans ces conditions ? Avec le recul des années, je m’étonne encore de ce refus de voir la réalité du piège qui se refermait, chaque jour davantage. Ma mère accepta de se cacher cependant. Un jour, je suis partie faire des courses. Il fallait bien prendre ce risque. Quand je revins, les gendarmes étaient là. Pas des gendarmes allemands comme certains l’ont prétendu. Des gendarmes français exécutant les ordres de « l’Etat français » d’alors. Pour arrêter ma mère. Ses cris m’ont longtemps hantée. Je la revois accrochée au berceau de mon frère, refuser de suivre les deux hommes. Alors ceux-ci l’ont arrachée du berceau et l’ont entraînée. Vaincue, elle m’a alors suppliée de garder le bébé, d’en prendre soin, de partir rejoindre mon père. Dans la rue, les gens, massés, regardaient le spectacle. Des badauds curieux. Aucun n’a protesté. Comme ma mère hurlait trop fort et les gênait, un des gendarmes partit chercher une camionnette. Pas non plus un camion allemand comme je l’ai lu quelque part. Une camionnette bâchée pour étouffer les cris.
Je restai seule avec le bébé, incapable de m’en occuper. Je trouvai de l’aide auprès de la sage-femme dévouée qui avait accouché ma mère. Elle m’accueillit chez elle, me montra comment le langer, le nourrir, lui donner des soins. Elle l’a même gardé le jour où je suis allée rendre visite à ma mère. Celle-ci avait été internée au camp de Châlons. Le laitier accepta de m’emmener lors d’une tournée.
Le camp de Châlons ? C’était, comme les autres, des barbelés, un mirador, des conditions d’hygiène déplorables, de la paille en guise de lit, peu de nourriture. Je me souviens de mes sentiments partagés en approchant du camp. J’avais envie de voir ma mère, mais n’allais-je pas me jeter dans la gueule du loup ? N’allaient-ils pas me reprendre, moi qu’ils avaient relâchée ?
Je ne fus pas arrêtée. Je revis ma mère ce jour-là pour la dernière fois. Huit jours plus tard, elle était à Drancy. Le rapport Klarsfeld dit qu’elle a fait partie du convoi 40, en date du 4 novembre 1942 !
J’ai entouré d’un trait noir son nom sur la liste des victimes gazées.
Elle avait 41 ans. À l’époque, nous ne savions rien. Ma mère m’envoya une carte de Drancy. Une carte blanche, sans illustration, sans enveloppe bien sûr. Courrier surveillé, probablement dicté par les autorités. Qu’en ai-je fait ? Malgré mes recherches, je ne l’ai jamais retrouvée.
Égarée lors d’un déménagement ? Glissée dans d’autres documents ? Réapparaîtra-t-elle un jour, plus tard, dans les mains d’un héritier, lorsque seront partagés les souvenirs familiaux ?
Que disait-elle cette carte ? Comme les enfants Finkelstein dont le courrier a été précieusement conservé ? A-t-elle ajouté comme eux : « Qui vivra verra ». Les mots glacent d’horreur. Ce qu’ils ont vu, dans les camps, il faut d’autres vivants pour le dire. Encore et encore…
Je reçus un jour une lettre de mon père. De zone libre, il avait prévu et organisé notre fuite. Il m’ordonnait d’aller jusqu’à Moulins [Allier], m’indiquait le nom de gens chez qui me rendre pour passer la ligne de démarcation. J’avais sympathisé avec Madame L...., femme d’un professeur du lycée, prisonnier en Allemagne. Je lui confiai nos meubles et ce qui restait de marchandise invendue. À un commerçant, je remis nos bijoux et une partie de l’argent que je ne voulais pas risquer de prendre sur moi. Tous deux me promirent de conserver tout cela jusqu’à notre retour. Je préparai le départ. Chacun peut m’imaginer. Quinze ans, un tout jeune bébé dans les bras, des oreillers, des couches, des langes, un biberon. Tout un chargement encombrant. Pas vraiment l’idéal pour passer inaperçue. Je connaissais à Sainte-Ménehould un jeune électricien qui accepta de prendre une journée pour m’accompagner jusqu’à Moulins.
Il passerait pour mon mari. S’il vit encore, je le remercie pour ce geste de solidarité et d’amitié.
À Moulins, il me laissa. Je devais changer de train. Après, c’était - peut-être - la sécurité. Les quais étaient noirs de monde. Je protégeais le bébé tant bien que mal, tour à tour bousculée, pressée, ralentie. Je montais lentement les marches de l’escalier du passage souterrain, lorsque je sentis le poids d’un regard posé sur moi. Je levai les yeux. Un feldgendarme surveillait la foule, appuyé à la rambarde. Mes jambes continuèrent mécaniquement leur ascension. Le feldgendarme m’appela : « Vous ! Venez ! ». Je me sentis me décomposer. Comment m’avait-il reconnue, repérée dans cette foule ? Je n’avais pas du tout ce que la propagande appelait « le type juif ». Bientôt, il fut près de moi : « Passez petit bébé ! Vous fatiguée ». Je dois à la vérité que celui-là n’a pas été barbare. Certains Français, si. En tout cas, mon frère et moi, nous nous devons mutuellement d’être encore en vie. Je m’installai dans le train vide. L’attente - au moins deux heures - me parut insupportable. Un autre n’allait-il pas venir vérifier des papiers que je n’avais pas ? N’allait-on pas me fouiller ? M’interroger ? Non, il n’arriva rien.
À Vierzon [Cher], le passeur promis par mon père était là. Il habitait une maison isolée, très proche de la ligne de démarcation ; il était étroitement surveillé bien sûr, mais réussissait régulièrement à tromper leur vigilance. Sa femme m’offrit à manger le soir de mon arrivée. Du lapin bouilli longuement avec des pommes de terre. Était-ce du lapin de garenne à l’odeur très forte ? Etaient-ce les émotions du voyage ? Mon cœur se soulève encore en y songeant. Je m’allongeai quelques heures, sans sommeil. À l’aube, nous partîmes. Dans les moments tragiques ou dramatiques, le corps enregistre des sensations qui restent imprimées à vie.
Nous devions traverser un champ. Interminable. Mon corps se sépara en deux. Mes bras devaient retenir mon frère, l’empêcher de s’agiter, de faire du bruit. Je m’étais munie d’une « sucette » et d’un peu de miel. Régulièrement, je trempais la sucette dans le miel. Il tétait avidement et s’apaisait. Ainsi, il ne poussa pas un cri. Mes jambes, elles, devaient s’arracher à chaque pas à la succion de la terre glaise. Il me fallait à la fois de l’énergie et de la douceur.
Ni le bébé, ni nos pas ne devaient s’entendre. La peur et l’urgence donnent une force et une audace étonnantes. À un moment, nous sommes passés tout près d’un Allemand, à le frôler. Il ne décela rien.
Quelques minutes plus tard, j’étais en zone libre, avec mon fardeau au museau tout collant de miel. Lorsqu’il s’était enfui, mon père m’avait laissé des pièces d’or, produit de la vente du magasin. Elles persuadèrent sans mal un taxi de m’emmener jusqu’à un hôtel. J’essayai de dormir. La tension des dernières heures m’en empêcha en partie. Mais surtout, le petit frère fut très pénible. Il faisait froid. Je l’avais emmailloté pour qu’il soit au chaud et lui avais couvert la tête d’un bonnet. Est-ce contre ce bonnet qu’il protesta par des hurlements ? Avait-il ingurgité trop de miel ? J’avoue qu’exaspérée par ses cris, je lui flanquai une claque, détendant l’un et l’autre. Le lendemain, un autre taxi m’emmena au Mont-Dore [Puy-de-Dôme], chez ma tante. Mon père était parti à ma recherche en ville. Lorsqu’il revint, il fit la connaissance de son fils. Moment d’intense émotion. Commença alors une période difficile. Mon père était là, j’étais là, le bébé aussi. Mais sa femme ? Ma mère ? Nous ne savions rien d’elle. La vie continuait, mais elle était arrêtée, suspendue. Nous étions dans l’attente de nouvelles, de son retour, de la fin de ce cauchemar… Il fallut nous organiser. Ma tante nous hébergea quelque temps, puis nous prîmes un logement en location, doublé d’une cachette chez un marchand de bière. Nous nous y terrions, lorsque couraient des rumeurs de rafle pour cette nuit-là.
J’écrivis un jour à Madame L.... pour la rassurer sur notre sort et lui donner notre adresse. Je n’avais pas encore appris suffisamment à me méfier.
Quelque temps après, un commissaire de police vint nous prévenir que la Gestapo était à nos trousses. Madame L.... nous avait dénoncés. Il fallait déguerpir au plus vite, disparaître de ce lieu, ne plus jamais donner de nouvelles. Faire croire à notre arrestation. Pas le temps de réfléchir. La porte, l’escalier, la rue, la fuite…
Chacun de notre côté. En route, je croisai une Citroën en provenance de Vichy. Deux hommes en manteau de cuir allèrent à la mairie relever la liste des locataires dont le nom sonnait juif.
Nous restâmes cachés le temps que le même commissaire nous fasse parvenir des fausses cartes d’identité. Je m’appelais Madeleine Lemonier. Ce nom n’était pas désagréable. Ce qui l’était plus, c’était d’être devenue « fille-mère ». J’endossai le tout pour vivre à La Bourboule où nous avions finalement échoué. Là, je fis la connaissance d’un jeune homme. Mon père repoussa toute idée de mariage, tant que ma mère n’était pas revenue. Elle ne revint pas. Le jeune homme se lassa.
On connaît la suite : l’ouverture des camps de la mort, la révélation de l’horreur pure, brute, absolue, les rares rescapés de l’enfer, l’évidence que l’on repousse, que l’on remplace par des constructions imaginaires. Peut-être s’est-elle échappée ? Peut-être erre-t-elle quelque part, amnésique ? Peut-être est-elle en Russie ? Peut-être… Peut-être… Puis l’évidence revient, s’impose, s’installe dans la tête, dans le cœur. Elle ne reviendra jamais.
Lorsqu’en 1945, nous sommes remontés à Sainte-Ménehould, Madame L.... s’est évanouie en voyant mon père. Elle l’avait cru disparu
lui aussi, comme les autres… Lorsqu’elle reprit ses esprits, qu’elle avait mauvais et mesquins, elle soutint la thèse du cambriolage. Elle ne possédait plus rien de ce que je lui avais confié, sauf une salle à manger qui trônait dans son salon et qu’elle n’a pu dissimuler. De méchantes langues prétendent que ses proches ont toujours été bien habillés en ces temps de pénurie textile… On ne mesure jamais assez la perfidie des gens… Quant au commerçant, il m’a simplement traitée de folle. Jamais, au grand jamais je ne lui avais confié de bijoux ou d’argent… Le chagrin devait me troubler l’esprit… !
Beaucoup de ceux qui nous ont cachés, hébergés, aidés, procuré des papiers sont morts. Je souhaite qu’ils aient transmis aux autres les valeurs qui les animaient. Ceux dont les parents ont été collaborateurs, dénonciateurs, pourvoyeurs de fours crématoires, n’ont pas à endosser une culpabilité qui ne leur appartient pas. Mais qu’ils soient vigilants. Le discours qui avait séduit leurs parents se fait à nouveau entendre. Qu’ils n’y cèdent pas. Qu’ils militent au contraire pour que de telles atrocités ne se renouvellent jamais, quelle que soit l’ethnie, la religion, la classe sociale visée par la discrimination. Qu’ils aient un regard pour les plaques commémoratives. »
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Ce témoignage écrit a été déposé aux Archives départementales de la Marne en 1993. La famille Ksiazenicer habitait au 6 avenue Kellermann à Sainte-Ménehould. La mère, Syma Ksiazenicer a été arrêtée le 9 octobre 1942 puis envoyée vers la mort au camp de concentration d’Auschwitz.
Le 27 janvier 1944, de nouvelles arrestations de juifs ont eu lieu dans l’arrondissement de Sainte-Ménehould :
- Fanny Kalechmann, (23 ans) employée à Malmy comme ouvrière agricole
- Emile et Lucie Levy, réfugiés à Sainte-Ménehould ainsi que leurs deux filles : Andrée (25 ans) qui travaillait comme couturière à Sainte-Ménehould et Marcelle (23 ans) qui était sténodactylo chez Maître Bastid. (voir article paru dans le Petit Journal de Sainte-Ménehould et ses voisins d’Argonne, juillet 2002).
Le préfet de la Marne pouvait écrire dans son rapport de février 1944 : « Les dernières familles juives de la Marne ont été arrêtées ».
Récit recueilli et transmis par J.et M.C. Vigouroux