Dans la partie derrière l’église du cimetière du Château à Sainte-Ménehould, au milieu d’un fatras de vieilles sépultures, dont celles de généraux de Napoléon, se trouve la tombe de Dupin de Dommartin, dit comme le premier maire de la cité, qui était en fonction le 23 juin 1791. Dupin rencontrera son roi pour la première fois, mais…
Louis Auguste Marie Dupin de Dommartin, était né dans une famille noble en 1740. Sa famille avait pour armes : « De sable à la besace d’or, à l’orbe de six roses sur mesme ». Il était maître particulier des eaux et forêts.
C’est lui qui était maire quand, en 1791, la famille royale en fuite passe à Sainte-Ménehould.
Vers 20h ce 20 juin, deux berlines s’arrêtèrent au relais de poste du sieur Drouet. La rumeur d’un roi qui s’enfuyait courait déjà mais les voitures repartirent. On envoya Farcy demander au maître de poste ce qu’il avait vu car cet officier municipal connaissait le roi. Au conseil municipal on prit la décision : il fallait rattraper les fuyards et pour cela, deux volontaires : Drouet et Guillaume. C’est donc sous la responsabilité de Dupin de Dommartin que le conseil municipal a pris la décision.
On peut alors considérer qu’ayant donné l’ordre de la poursuite, Dupin est un des principaux artisans de l’arrestation du roi. Malheureusement il ne sera pas récompensé, comme Drouet et Guillaume par une somme d’argent.
Le mercredi 22 juin, Dupin de Dommartin accueillit le roi. Vers 13h 30, les voitures revenant de Varennes s’arrêtèrent près du Pont rouge, alors simple pont de bois. Avec Deliège, premier officier municipal, le maire « félicita » le roi de son retour et, comme l’a écrit Brouillon (page 141), « exposa au roi les alarmes qu’il venait de causer à l’empire par une absence sollicitée par des conseillers indignes de son estime comme celle de la nation et que condamnait son propre cœur » [1].. En quelque sorte, Dupin trouvait des excuses au roi, un souverain qui aurait répondu : « Jamais je n’ai eu l’intention de quitter mon royaume ». Des paroles qui devaient bien réconforter Dupin. On en était presque comme l’ont écrit des historiens, à la thèse du « complot ».
Quant à Louis XVI, que devait-il vraiment penser ? Comme l’a écrit Brouillon, « il devait subir deux harangues », le roi subissait… sans prendre de décision, comme à Varennes ! Puis la famille royale se rendit à l’hôtel de ville entre une haie de gardes nationaux, on dit presque 15 000, qui criaient « Vive la nation ». On servit à la famille royale un léger repas, un peu de soupe, quelques gâteaux, des cerises.
Mais les bourgeois étaient-ils hostiles au roi ? Buirette a écrit (page 551, édition originale) : « La famille royale fut servie par les officiers municipaux et des bourgeois notables qui se tinrent toujours respectueusement derrière elle ». Et comme les fugitifs étaient extrêmement fatigués, ayant, il est vrai, passé deux nuits sans dormir, on leur offrit de préparer des lits et de ne repartir que le lendemain matin.
Mais la foule, de peur de voir arriver Bouillé et ses troupes, cria « en voiture ! »
Vers 15h, les fugitifs partirent à Châlons sous bonne escorte : Dupin de Dommartin n’a certainement jamais revu « son roi ».
Premier maire.
Il y eut des maires avant Dupin de Dommartin, mais on peut le considérer, avec l’apparition des départements, comme le premier « maire moderne ». Son nom figure d’ailleurs en premier sur la plaque des maires visible dans l’escalier de la mairie.
Dupin a été maire à peine deux ans. Un historien a dit qu’il n’était pas en phase avec la révolution.
On sait aussi que, dans les mois qui ont suivi, la population était un peu hostile à Drouet et à Guillaume. On avait peur, peur de représailles, peur des ennemis qui envahiraient la France et se vengeraient. Heureusement, la bataille de Valmy fut une victoire.
Dupin de Dommartin démissionnera fin 1791 et son successeur pour 3 ans sera Jean-Charles Edme Farcy, celui qui avait dit : « Oui, c’est bien le roi ».
La tombe, bien délaissée avait été restaurée en 1999 à la demande de notre association par la société Flori-Stèle. François Duboisy avait consacré à cette tombe un petit article dans le numéro 5 de notre revue, page 21 et écrivait : « Voilà le premier maire de la cité qui retrouve une seconde jeunesse ».
Christine Francart