On a vu à la télévision récemment un épisode des « Secrets d’histoire » qui parlait du Grand Condé, le prince frondeur qui fut en révolte contre Louis XIV. Mais les Argonnais attendaient de voir celui-ci au siège de Sainte-Ménehould, face à des bourgeois décidés à défendre leur cité coûte que coûte. Une guerre comme les autres.
Louis II de Bourbon, dit « Le Grand Condé », après avoir servi le roi et sauvé la France à la bataille de Rocroi, mène la révolte dite « la Fronde des Princes ». Il était en désaccord avec Mazarin.
1652 : Après bien des péripéties, le jeune Louis XIV rentre à Paris. Le Grand Condé perd en avril le bataille de Bléneau (Yonne), celle d’Estampes et le 13 octobre 1652, il quitte la capitale. Condé rejoint les armées espagnoles et s’empare de Rocroi, Mouzon, Rethel et veut prendre Sainte-Ménehould, la forteresse frontière. Il a 24 ans.
30 octobre 1652 : 8 heures du matin, une armée se présente devant la ville. Elle est commandée par Le Grand Condé en personne qui somme les habitants de se rendre. Les bourgeois, secondés par un régiment d’Irlandais, refusent.
1er novembre : deuxième sommation, deuxième refus. On brûle les faubourgs pour empêcher les assaillants de se protéger. L’armée d’investissement, forte de 15 000 hommes, est composée d’Espagnols (Condé était au service de l’Espagne), de Lorrains, d’Allemands et de Français.
5 novembre : les assiégeants s’emparent du moulin des prés.
12 novembre : Condé veut donner l’assaut. Si la ville ne se rend pas, Condé promet de tout détruire et d’autoriser les soldats à tuer et à violer pendant 12 heures.
Une brèche est ouverte au bastion rue Sainte-Catherine, mais les bourgeois résistent. Le Grand Condé est furieux. Louis Brouillon raconte (page 88 de l’édition originale) : « Le prince, qui écumait de colère, frappait ses soldats à coups de canne ».
13 novembre : la ville se rend.
Le prince de Condé confia le commandement de la ville à Montal(1) [1], mais l’année suivante, les armées royales reprirent la ville. Louis XIV participait à Sainte-Ménehould à sa première bataille. Les sièges de la forteresse ont été d’ailleurs les derniers conflits de la Fronde.
La suite, l’émission l’a bien montré : Condé est parti en exil (le 12 novembre 1652, le prince était déchu de ses dignités). Il servit l’Espagne pendant 5 ans, se battit même contre les troupes royales menées par Turenne, avant de resservir la France. Le roi pardonna et suite au traité des Pyrénées de 1659, le prince retrouva son rang et ses biens.
Bilan des deux sièges de la ville : des combats, des morts, des blessés, 40 morts chez les bourgeois de Menou, une quarantaine d’Irlandais tués et chez les troupes de Condé, 1500 hommes, mais des décès dus surtout à la maladie. La forteresse endommagée, des villages détruits et comme dans toutes les guerres, des bourgeois qui quittent précipitamment la ville. Tout cela pour rien… Moins de 30 ans après, le prince de Condé invitait Louis XIV dans son château de Chantilly.
Les habitants ont cependant pu se consoler : ils ont eu « les honneurs de la guerre ». Et le Grand Condé, quand il mourut en 1886, légua une somme de 10 000 livres à l’Hôtel-Dieu de Sainte-Ménehould. C’était 24 ans après, presque une génération.
A noter que dans cette guerre de Français contre Français, il y avait dans le régiment de Condé le jeune Sébastien Le Prêstre, un valeureux et intrépide soldat qui, après être passé dans le camp ennemi, deviendra… Vauban.
John Jussy