Une clientèle qui évolue...
Petit à petit, les cadres de Tuboplast, Cotuplas ont remplacé les voyageurs de commerce. Ils restaient quelques fois pendant deux ou trois semaines. Des Japonais en stage à Cebal, ont été là une année entière. Forcément, des liens amicaux se tissaient. Au bout d’un moment, ils venaient même en cuisine pour apprendre nos recettes françaises Ils nous faisaient aussi connaître les leurs.
Nous recevions beaucoup d’inconnus de passage, mais aussi des hommes politiques de la région, des personnalités du monde du spectacle venaient très régulièrement ! Hugues Auffray, était un habitué du restaurant, Luis Mariano, Bourvil, JC. Brialy, Brassens, Trénet, Tino Rossi et toute sa famille, bien d’autres encore sont venus déguster notre cuisine et loger à l’hôtel. Yvette Horner et ses musiciens étaient des fidèles. On les voyait au moins une fois tous les deux mois. L’accordéoniste Raymond Boisserie arrivait avec sa femme. » si aucune table n’était libre, il prenait par la main le jeune fils d’Annie, l’emmenait promener et revenait manger un peu plus tard, quand c’était plus calme.
L’hôtel était parfois retenu en entier à l’occasion d’un événement ou d’un mariage. Une fois, une noce entière est venue du Nord de la France à bord d’un bus. Après le repas, ils ont défilé dans les rues, musique en tête, au grand ébahissement des Ménehildiens. C’est la coutume là-bas, mais pas ici.

En 1964, la famille Thiébault entourée du personnel de l’établissement
Quelques événements surprenants...
La vie dans un hôtel est très vivante, avec beaucoup d’imprévus bons ou mauvais, mais toujours variés. Quelques fois, c’était drôle, comme ce jour de 15 août ou par malheur, la cuisinière à fuel ne tirait pas. Notre mère, n’hésitant pas une seconde, décide alors, tout simplement qu’il faut la nettoyer, intérieur, tuyaux, tout, quoi ! Nous nous y sommes mis à plusieurs, et tout est rentré en ordre, sauf nous qui étions noirs de la tête aux pieds !
D’autres fois, c’était plutôt tragique ! Ainsi, cet infanticide qui s’est passé chez nous, au début des années 1950. Une jeune femme, venue avec ses parents, a accouché dans les toilettes et noyé le bébé. Elle est partie précipitamment, les parents de même, après avoir réglé leur note. Leur attitude était tellement bizarre que notre mère a relevé le numéro de leur voiture. Imaginez la suite, les toilettes bouchées, la macabre découverte, l’enquête de police ...
Une autre fois, après le repas clôturant un congrès de professeurs de technique, les convives montent se coucher. Une femme appelle aussitôt disant qu’il y avait des fourmis dans sa chambre. Nous y allons vite, car un incident de ce genre n’est pas bon pour la réputation de l’hôtel ! La chambre est inspectée de fonds en combles, mais de fourmis, point. La cliente prétend alors en voir des tas, un chat écorché, plein d’autres bêtes ! Le médecin appelé en hâte diagnostique une crise de délirium, avant d’embarquer la dame pour l’hôpital, non sans lui avoir administré, en guise de calmant... une bonne ration de vin rouge. Effet immédiat !
Mais le hasard, quelquefois, provoque des rencontres, aussi imprévisibles que bouleversantes. Au début des années 1970, un client entre au restaurant. Il regarde notre mère. Elle le voit au même moment. Ils deviennent tous les deux très pâles, incapables l’un comme l’autre de prononcer une parole. Puis, le client tourne les talons et quitte la salle précipitamment.