Le 8 octobre 1948, Rudolf Schenk retrouvait les siens et son village après trois ans d’absence. Il avait quitté la famille de Clerq en promettant de revenir. Mais les temps étaient difficiles, tout était à reconstruire. Les contacts avec la France se limitaient à d’occasionnels échanges de lettres.
Au décès de M. de Clerq en 1954, il ne lui fut pas possible de se rendre à Dampierre. Ce ne fut qu’en mai 1957 qu’il revint en France. Neuf ans s’étaient écoulés depuis son départ ! Les enfants avaient bien grandi et il ne connaissait pas Jacqueline, la petite dernière. L’accueil fut chaleureux.
Mme de Clerc mourut à son tour et Rudolf eut à cœur de garder des liens et de soutenir cette famille bien éprouvée. En 1960, les enfants de Clerc lui rendirent visite, puis il revint à Dampierre deux ans plus tard, puis encore en 1964 avec sa femme et ses enfants.
Les années suivantes, les visites se poursuivirent ce qui permit d’approfondir encore notre amitié. Les trois enfants allemands passaient une partie de leurs grandes vacances à Dampierre ce qui leur permettait de parfaire leur français.
Rudolf était président de la chorale de Lutzerath. Il parlait souvent de ses amis champenois. Le premier voyage en groupe fut donc organisé. Beaucoup de choristes n’étaient jamais venus en France. Ils furent reçus chaleureusement. Une invitation du maire de Givry fut faite à la chorale pour le mois de mai 1975, puis ce fut des échanges entre les clubs sportifs, les pompiers.
Le grand jour du jumelage, le 20 juin 1981 arriva. Cent-vingt personnes de Givry et des environs firent le déplacement dont le maire François Lefort et le conseiller général André Boivin. Ce fut une belle fête dont Rudolf était très fier. Tous ses efforts pour transformer l’hostilité en amitié étaient couronnés de succès. « Si on se connaît, disait-il, on apprend à s’estimer et à se respecter ».
Au mois de juin 1982, ce sont les Allemands qui se déplacèrent. Les jeunes de Givry avaient organisé des jeux sans frontières avec une piscine faite d’une grande bâche retenue par des balles de paille. En 1986, Rudy a été élevé au rang de citoyen d’honneur de Givry.
Les échanges continuèrent. En septembre 1991, ce fut une visite à Givry pour fêter le 10è anniversaire du jumelage.
Le récit de Rudolf Schenk s’arrête en 1995. Il était maintenant citoyen d’honneur de Givry. Il avait réalisé son rêve : créer des liens entre citoyens allemands et français.
Les échanges se firent plus rares, mais les maires des deux bourgs ont tenu à garder des liens. En 2016, lors du 35è anniversaire du jumelage, voilà ce que le maire de Lutzerath a dit dans son discours « Notre amitié est aussi robuste que notre chêne et les pierres de nos blasons » ; Ce à quoi, Rémi Jacquet, maire de Givry a répondu : « Nos rencontres sont certes rares, mais notre amitié n’en est pas moins sincère et indestructible. Et, lorsque nous nous voyons, c’est comme si nous étions de vieux amis qui se sont toujours connus ». En 2017, c’est François Lefort, ancien maire de la commune qui devient citoyen d’honneur de Lutzerath. C’est aussi en 2017 que Rudolf décède.
Et maintenant ?
Voilà ce qu’Antoine Bourguignon, l’actuel maire de Givry m’a dit : « Nous devions fêter le 40e anniversaire du jumelage en 2021. L’épidémie de covid nous en a malheureusement empêché. Mais nous pensons à Rudy, il a été un artisan infatigable du jumelage. Il nous a montré le chemin. Nous devons tout faire pour que notre amitié et notre jumelage durent longtemps et longtemps nous penserons à lui ».
Nicole Gérardot