
Le 25 août 1980, une petite plaque de marbre a été posée, sur le mur extérieur de l’église de Passavant-en-Argonne, en mémoire du Colonel Pierre Galichet, Baron de l’Empire, né à Passavant et mort à Izdebno en Pologne.
Découvrons son étonnant parcours…
Une jeunesse argonnaise et un engagement militaire précoce
Le 30 juillet 1775 est né Pierre Galichet, fils du légitime mariage de Nicolas Etienne Galichet, fermier au Jardinet, et de sa cousine Marguerite Galichet. Deux jours plus tard a lieu le baptême en l’église de l’Exaltation de la Sainte Croix à Passavant-en-Argonne. Le parrain est Pierre Lochet, marchand de la paroisse de la Sainte-Trinité à Châlons et sa marraine Marie Galichet, fermière de la paroisse d’Ante.

Ses grands-parents paternels étaient Nicolas Galichet, organiste à Châtrices, et Marguerite Géant de Passavant. La ferme du Jardinet à Passavant n’existe plus. Elle se trouvait du côté de l’actuelle rue de la Fontaine au Gué.
Pierre Galichet passa donc sa jeunesse dans ce petit coin de la campagne argonnaise.

À 17 ans, le 12 août 1792, il se porte volontaire pour défendre la patrie contre les armées étrangères. Il est incorporé au 9e régiment de chasseurs à cheval. Il est blessé au poignet gauche à l’affaire de Pirmasens dans une charge contre les Prussiens et est fait prisonnier le 22 vendémiaire an IV (14 octobre 1795) à la première retraite du Général Jourdan. De retour de captivité, il est incorporé comme soldat de la 94e demi-brigade d’infanterie de ligne le 1er vendémiaire an VI (22 septembre 1797) et va rapidement franchir les échelons militaires : caporal puis sergent-major en 1798, sous-lieutenant en 1799, lieutenant en 1800. Il a alors la jambe droite fracturée à Füssen le 22 messidor an VIII (11 juillet 1800). Il devient adjudant-major en 1802, capitaine en 1803 puis aide de camp de son cousin le général Pierre-Charles Lochet (le général Lochet était né à Châlons en 1767 et décèdera d’une balle au front à la bataille d’Eylau en 1807) le 13 vendémiaire an XII (6 octobre 1803). Il a alors 28 ans !
En tant qu’aide de camp du général de brigade Lochet commandant de la 2e brigade d’infanterie de la division Friant du 3e Corps du maréchal Davout, Pierre Galichet participe à de nombreuses batailles : Austerlitz (1805) où un cheval fut tué sous lui, Auerstadt (1806), Nasielsk (1806), Eylau (1807).
Le 6 février 1806, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur. Galichet devient adjudant-commandant (colonel) à l’âge de 33 ans en 1809 puis chef d’état-major de la 2e division du 3e corps du général Friant. L’année suivante, le 16 décembre 1810, il reçoit le titre de Baron de l’Empire par le gouvernement de Napoléon Bonaparte.
Les armes de son blason peuvent se décrire ainsi :
Ecartelé : au premier, de sable à l’égide de Minerve d’or ; au deuxième, des barons tirés de l’armée ; au troisième, de gueules au drapeau brisé d’argent, monté d’or ; au quatrième, d’azur à la croix pattée d’or, sommée d’un corbeau essorant du même.
Installation en Pologne
En février 1810, Pierre Galichet épouse à Izdebno, selon le Code Napoléon (c’est le deuxième mariage de ce type en Pologne) Dorota Szymanowska, héritière du domaine d’Izdebno, fille du défunt comte Szymanowski, starost de Wyszogrod. Une copie de l’acte de mariage a été transcrite dans les registres d’état civil de Passavant. On peut y lire que les témoins sont Joseph Jablowsky résidant à Varsovie, Félix Swidzinsky général résidant à Zalesc, le Comte Joseph Ksasinsky major de la garde nationale résidant à Varsovie, Jean Toczynsky propriétaire résidant à Radzikow, Pierre Charles François Bontems lieutenant résidant à Varsovie et
Jean-Baptiste Mallet lieutenant résidant à Varsovie. Lors de la retraite de la Grande Armée en 1812, blessé, il est capturé à Vilnius, sera emprisonné pendant plus d’un an à Astrakhan (Russie) et ne rentre en France qu’en 1814. En congé de l’armée, estimant ne pas pouvoir tenir son rang comme demi-solde, rien ne le retient dans son pays natal. Aussi, après avoir été reçu chevalier de l’ordre de Saint-Louis, il retourne en Pologne où il obtient l’Indigénat polonais (c’est-à-dire que, en tant que noble français, il devient aussi membre de la noblesse polonaise). Dans son domaine d’Izdebno, situé dans le poviat de Varsovie, il crée une distillerie dans laquelle il produira de la vodka selon des techniques modernes. Dans une lettre datée du 30 décembre 1818, M. Tomasz informa son père : « C’était un plaisir de voir les distilleries Galichet à Izdebno. Tire régulièrement 5 tasses et demie de vodka d’un boisseau de seigle ».
Il fonde également l’une des premières sucreries du Royaume de Pologne à partir du sucre de betterave et une huilerie à vapeur. Bien intégré en Pologne, on possède de lui un
portrait caricatural réalisé par Jakub Sokolowski (malheureusement ce portrait a disparu lors de la seconde guerre mondiale). Il publie des brochures techniques : en 1819 sur la distillerie d’Izdebno en précisant que le bénéfice de la vente sera destiné aux pauvres et, en 1843, une autre sur les modes de stockage des grains, imprimée par la Banque de Pologne.

Il persuade même Philippe de Girard, inventeur d’une machine à tisser le lin, qu’il a connu à l’armée, à venir en Pologne pour y installer des usines textiles. Un premier centre de tissage est créé à l’ouest de Varsovie en 1825 puis un autre en 1833 à Ruda Guzowska. La ville qui s’y élèvera prendra le nom polonisé de Girard et deviendra la région aujourd’hui connue sous le nom de Zyrardow.
Piotr (Pierre en polonais) Galichet est mort le 23 octobre 1846 à Izdebno. L’acte de décès indique qu’il était ancien général de brigade. Il a été enterré dans le cimetière de l’église d’Izdebno. Un modeste monument a été ensuite érigé avec l’inscription suivante :

C’est-à-dire :
BARON PIERRE GALICHET MAJOR DE L’ARMÉE FRANCAISE, NÉ LE 20 JUIN 1776 À PASSAVANT, FRANCE, MORT LE 23 OCTOBRE 1846. IL DEMANDE A SES COMPATRIOTES DE SOUPIRER : « JUSTES, RÉJOUISSEZ-VOUS ET EXULTEZ DANS LE SEIGNEUR, GLORIFIEZ-LE, VOUS QUI AVEZ LE CŒUR DROIT ».
(Une erreur s’est toutefois glissée dans l’inscription : il est né le 30 juillet 1775 !)
Sa pierre tombale a été malheureusement arasée dans les années 1970. Il reste toutefois quelques débris autour de l’église d’Izdebno qui rappellent la destinée si particulière de ce soldat issu du village de Passavant-en-Argonne.
Sources :
Archives nationales, base Léonore,
Service historique de la défense - dossier 2Ye 1633,
Archives départementales de la Marne - 14B 22/3,
Archives de Passavant-en-Argonne,
Bibliothèque municipale de Reims,
Wikipédia polonais,
https://zapomniani.pl
https://napoleon.org.pl
http://www.heraldique-blasons-armoiries.com
Biographie d’un inconnu, le colonel Pierre Galichet par Jean-Pierre Fave, 1975
Journal L’Union du 20 août 1980, aimablement communiqué par Alain Igier.
Jean Vigouroux