LA PAGE DU POÈTE
NE M’OUBLIEZ PAS
J’ai bientôt deux cents ans ; je suis une maison
Qui prend des rides, ici ou là quelques lézardes,
Ouvre grand ses volets quand le soleil musarde,
Et s’habille de verdure jusqu’à mon pignon.
Sous mon toit sont nés des bébés roses et gaillards,
Les couples s’attendrissaient autour des berceaux,
Coulait la vie, fêtes, saisons comme écheveaux :
Déjà les fils relayaient les sages vieillards
J’étais témoin muet, j’étais gardien, veilleur.
Pour la guerre, d’ici est parti un beau gars.
Porte ouverte, j’attendais ... Il ne revint pas.
J’abritais le chagrin, je donnais ma chaleur.
Vieille maison, il me reste peu d’avenir ;
Mais si l’on franchissait encore ma porte,
On trouverait chez moi tout ce qui réconforte.
J’offrirais aux enfants le goût du souvenir.
La ville des néons a capturé les miens ;
Ils ont bâti leurs nids dans des tours de béton.
Mais l’été, la jeunesse retrouve mon giron :
Alors je revis, grâce aux petits aoûtiens.
Monique Parmentier, août 1991
