Au 13e siècle, les dîmes (anciens impôts prélevés sur les récoltes) étaient partagées, pour ce qui concerne Charmontois-l’Abbé où est située l’église, entre les chanoines de la collégiale de la Trinité, à Châlons, et l’abbaye de Beaulieu-en-Argonne.
L’abbaye de Beaulieu a perdu toutes ses archives lors de son saccage en 1593 mais celles de la Trinité sont encore importantes de nos jours. On y apprend qu’en 1295, les chanoines concédèrent à Jean de Wassy, curé de Charmontois, tous les revenus de l’église, moyennant 8 livres de rente annuelle. De cette église primitive, il ne reste rien puisque la partie la plus ancienne de l’église actuelle, le chœur, est du 15e siècle.
En 1861, l’historien Édouard de Barthélémy écrivait :
« L’église a dû être très belle, mais les guerres religieuses l’ont réduite à un état voisin de la ruine ; son clocher n’existe plus et les nefs sont simplement en bois. Le chœur du 15e siècle est percé de 5 grandes fenêtres flamboyantes dont deux à 5 baies et trois à 4 baies. De chaque côté du chœur sont deux niches Renaissance dans lesquelles sont les statues des saints Éloi, Nicolas, Jean et Pierre. Les voûtes sont effondrées ».
De quelles guerres religieuses parle-t-il ? Ne s’agit-il pas simplement d’un affaissement du terrain au sous-sol argileux ou d’un manque d’entretien au moment de la Révolution car lors de la visite de 1748, l’église était considérée comme étant en bon état !
Par contre, le 18 juillet 1875, Émile Jolly, le maire de l’époque précise « que depuis dix ans déjà on a fait à plusieurs reprises d’inutiles efforts pour arriver à la restauration de l’église paroissiale, et que l’état de délabrement actuel est devenu tellement menaçant qu’on a compris qu’il ne fallait plus tarder davantage pour reconstruire les parties défectueuses ». Le même jour, le conseil municipal approuve les plans et devis de M. Max, architecte à Bar-le-Duc. La reconstruction partielle de l’église est décidée.
La Fabrique de la paroisse se charge des réparations des murs du transept et de l’abside tandis que les deux communes de Charmontois-le-Roi et Charmontois-l’Abbé vont s’occuper de la nef et du clocher. Cinq ans plus tard, l’architecte présentait aux deux communes sa facture !
En 2020, soit 140 ans plus tard, Dominique Patizel, maire des Charmontois, signalait au journal local : « En pleine période de confinement, des personnes nous ont signalé une chute de pierre sous la voûte de l’église. Puis d’importantes fissures sont apparues ». Il fallait donc se résoudre à la consolidation de la structure fragilisée suite au sous-dimensionnement des contreforts du 19e siècle. L’UDAP (organisme d’État qui conseille en matière de conservation du patrimoine non protégé) est venu sur place pour faire ses constatations et les demandes de subventions ont été lancées pour un montant des travaux estimé à environ 200.000 €.
Outre les institutions départementale, régionale et nationale, la Fondation du Patrimoine a été également sollicitée. Les travaux de consolidation, par la pose de tirants, ont pu être réalisés en 2023 par l’entreprise Léon Noël basée à Reims. On a paré au plus urgent pour sauver le bâtiment. Les enduits extérieurs, côté nord-ouest, qui étaient
particulièrement dégradés ont été refaits également. L’aboutissement de ce chantier n’est pas une fin en soi pour l’édile qui estime que d’autres aménagements restent à faire. De nouveaux devis pour la poursuite de la réfection des enduits ont déjà été demandés.
Parallèlement aux efforts de la municipalité, l’association pour la sauvegarde du patrimoine des Charmontois a entièrement financé la restauration d’un tableau, situé au-dessus des fonts baptismaux, mesurant 2,34 x 1,88 m, et représentant la Nativité, pour un montant de 15.000 €. Ce tableau de 1849, de A. Leroy, qui était dans un triste état a retrouvé sa splendeur grâce au talent de Igor Kozak, restaurateur de tableaux habilité par la Direction des Musées de France.

La sauvegarde du patrimoine aux Charmontois, petite commune de 116 habitants seulement, n’est donc pas restée dans le domaine des vœux pieux. Les années précédentes avaient déjà vu la restauration des vitraux du 19e siècle, dus au peintre-verrier Zénon Dez, qui forment un très bel ensemble et donnent à l’église une luminosité remarquable.
Jean VIGOUROUX