En atterrissant, rentrant avion hangar, et pas prévenu, ne voit pas Morane derrière moi, l’accroche avec aile gauche : deux ailes démolies, la sienne et la mienne. Escadrille M. F. 37 vient d’atterrir et en fais partie, à la date du 6 février 1915. Fais monter mon Morane de réserve pour remplacer le premier. Reçois félicitations de tout le centre, du commandant et son état-major. Le général Julien, commandant le génie, vient me voir et me félicite, m’invite à dîner pour ce soir. Ensuite le commandant des étapes et plusieurs officiers me félicitent et m’invitent à dîner pour après-demain soir. Fais mon rapport ; reçois félicitations sur toute la ligne. Me prépare pour aller dîner avec général. Arrive Hôtel Saint-Nicolas à 7 heures, où il mange avec tout son état-major. Environ quarante couverts. Présentation à tous. Dîner très charmant ; pas de cérémonie et d’étiquette, très intime. Reçois félicitations de tous, qui me demandent renseignements. Tout le monde se retire 8 h. 30. Chic et gentil. Rentré et couché. Dans son journal du 1er avril 1915, Pégoud note :"Taxi neuf ; moteur médiocre. Plusieurs boches venus survoler Sainte-Menehould, lancent bombes. A 15 h. 20, pars sur machine avec Lerendu, poursuis Aviatick survolant région Sainte-Ménehould à environ 3 000 mètres. Commence à le mitrailler à environ 1 000 mètres en dessous, prends de la hauteur, le poursuit avec mitrailleuse jusque dans ses lignes où il pique aussitôt.
Survolant région Somme-Py, poursuis deuxième Aviatick ayant direction sud. A mon approche, Aviatick fait demi-tour, à environ 1 800 mètres de distance, le poursuis avec mitrailleuse dans ses lignes, où il pique. Survolant région Hurlu, à 2500 mètres, charge un troisième Aviatick survolant la même région à environ 2 100 mètres. L’attaque à environ 50 mètres au-dessus, avec mon revolver, et mon mitrailleur avec carabine à répétition. Aviatick cherche à reprendre de la hauteur, en ripostant avec fusil automatique. Continue à le survoler de très près, mitrailleur et moi tirant sans relâche. L’Aviatick, certainement touché, pique brusquement au sol ; n’ai pu surveiller sa chute, mon moteur commençant à bafouiller par manque d’essence. Atterris tout près terrain 16 h. 20. Reçu, au cours de la lutte, une balle dans aile gauche. Reçois confirmation du capitaine de l’escadrille et du capitaine d’artillerie de la ligne de feu qu’Aviatik était tombé dans ses lignes, près du front. "
En avril 1915, l’As français rejoint le 2e groupe d’aviation à Reims. Il reçut la médaille militaire, la croix de guerre et fut cité plusieurs fois à l’ordre de l’armée pour ses 6 victoires aériennes avant d’être abattu dans le ciel de Petit-Croix, à l’est de Belfort, et d’avoir pu apprendre qu’il venait d’être nommé chevalier de la légion d’honneur. Il fut le premier as à tomber au combat.
Une carte postale allemande de 1913
Quant à Boelcke, jusqu’en 1916, il va compter 40 victoires sur des appareils français ou anglais. Le 28 octobre 1916, l’Allemagne perd un nouvel héros.
Cinq avions de la Jasta 2 décollent de leur nouveau terrain de Lagnicourt pour appuyer une attaque d’infanterie. Lors d’une mêlée avec le 24ème Escadron du Royal Flying Corps, celui qu’on appelle désormais der Meister effleure de son aile gauche le train d’atterrissage de l’appareil d’Erwin Boehme. L’Albatros du leader de la formation se met en vrille, l’aile se détache et les débris de son avion plonge vers le sol. La nuque brisée Boelke meurt instantanément. Il est décédé à l’âge de 26 ans, sans jamais avoir été vaincu par l’ennemi.
Les destins de ces hommes ne se sont jamais croisés, ou peut-être qu’ils ont combattu dans le ciel de France sans savoir qui ils rencontraient. Des installations à Sainte-Ménehould, il ne reste rien. La zone industrielle et l’autoroute recouvrent les terrains qui étaient autrefois occupés par les hangars.