Responsable de la justice militaire suite à la Commune.
---------Revenons sur cette période qui suivit la Commune, pendant laquelle, commandant la subdivision de Seine et Oise, il fut nommé responsable de la justice militaire chargé de juger les Communards. Tâche difficile, qu’il accepta. Il ne se déroba pas, d’où les interrogations que l’on peut se poser.
---------Deux documents permettent d’y voir plus clair :
---------- Le rapport signé du général Appert le 8 mars 1875, présenté le 28 juillet 1875 par le ministre de la guerre au président de la République Mac-Mahon, un livre de 355 pages, document dont on n’aura pu consulter que quelques extraits relatés dans l’étude critique de M. Maitron. Ce rapport est l’œuvre collective de plusieurs dizaines de personnes fonctionnaires ou vacataires y travaillant plusieurs années. Il fut établi grâce au rassemblement de 250 000 pièces formant ce que l’on peut appeler les archives de la Commune du pouvoir en place.
---------- L’étude critique du rapport Appert par M. Jean Maitron, docteur es lettres de l’université de Paris I dans les actes d’un colloque universitaire, tenu à Paris les 21, 22 et 23 mai 1971, pour la commémoration du centenaire de la Commune, et publié par la revue trimestrielle “le mouvement social n°79- publiée avec le concours du CNRS en 1972. Jean Maitron relève nombre d’erreurs, d’anomalies et de parti pris et met surtout en cause la valeur scientifique des documents utilisés, leur objectivité. Bon nombre des 250 000 pièces utilisées ont disparu depuis, ce qui rendrait encore plus difficile un travail de recherche aujourd’hui. Tout cela mériterait une étude approfondie d’historiens avec des sources diversifiées, dont les journaux parisiens de l’époque, car la presse marnaise est peu bavarde sur ce qui s’est passé à Paris dans la période qui a suivi la Commune. Ce qui est certain c’est que la répression fut très rude, la justice expéditive, les peines exagérées, pouvant même toucher des innocents (il suffisait simplement de se trouver là, le jour où il ne fallait pas). Il y eut des exécutions, des emprisonnements et des déportations en Nouvelle Calédonie pour des dizaines de milliers de personnes. L’amnistie n’interviendra que très tard, après bien des difficultés en juillet 1880, alors que le pouvoir républicain s’était déplacé vers la gauche depuis quelques années. Cette révolution faisait encore peur au pouvoir en place qui craignait une remise en cause de l’ordre établi.
Le général Appert dans ce contexte.
--------- Il fut donc responsable de cette justice militaire exécutant des ordres venus d’en haut. 43000 accusés comparurent devant les 24 conseils de guerre organisés par ses soins.
---------Quelques interrogations à son sujet :
– A-t-il été le modérateur que lui permettait sa fonction comme le laissent entendre les louanges reçues lors de son éloge funèbre tant par le chanoine Lucot (ce dernier reconnaissant l’horreur de la répression) que par la plupart des journaux départementaux ?
---------- Dans le contexte du moment, avec des ordres venus d’en haut, quelle pouvait être sa marge de manœuvre et qu’a-t-il pu faire pour atténuer ou au contraire laisser aller le processus de répression ? Lui seul a eu la réponse. On pourra cependant remarquer que, si son rapport a été critiqué, l’homme lui, a été ménagé.
---------Plus tard, cette fonction très délicate ne l’a pas rattrapé et cela malgré un changement radical de politique à la fin des années 1870. En effet, il a continué à exercer de hautes responsabilités, allant jusqu’à être ambassadeur de France en Russie.
Ambassadeur de France à Saint Petersbourg.
---------En novembre 1883, le général Appert, alors dans le cadre de la réserve, est nommé ambassadeur de France à Saint Petersbourg, en Russie, après avoir été chef de la mission française assistant aux manœuvres de l’armée russe.
---------Ses compétences acquises tout au long de sa carrière très bien remplie, la situation de son épouse danoise, en relation avec la princesse Dagmer, fille du roi du Danemark devenue tsarine à la suite de son mariage avec Alexandre III de Russie, les différentes fonctions qu’il occupa dans les plus hautes instances des gouvernements successifs expliquent ce choix. Le tsar et son épouse lui firent l’honneur d’une visite à l’ambassade de France à St Petersbourg où une réception grandiose lui avait été réservée. Dès lors, les deux familles devinrent amies et lors de son remplacement précipité en 1886, le gouvernement russe s’y opposa. Son rappel définitif motiva le congé de l’ambassadeur de Russie en France. Ce rappel apparemment sans motif était en fait politique. D’après un article du Journal de la Marne du 10 septembre 1886 « ce rappel avait été combiné par M. Freycinet, président du conseil, pour blesser la Russie, irriter le tsar et en même temps traiter de façon indigne le général Appert qui avait su prendre à Saint Petersbourg la même place que le général Chanzy (ambassadeur de France en Russie en 1879) et effacer les fautes de son prédécesseur l’amiral Jaure. »