---------La guerre frappait à la tête. Aussi aux pieds. Pieds humides annonçaient pieds gelés. On sait ce que fut la torture des pieds gelés. Mais à la 164ème division d’infanterie, l’Etat-Major veillait. Il imagina des chaussettes de secteur ! On lira d’un œil torve et avec le sourire, le document- authentique- qui est cité par Guyot dans son « Histoire d’un régiment » et qui le tient du capitaine Bouissoud, du 334ème R.I.
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---------A piétiner dans la boue, à faire des kilomètres dans les boyaux sans caillebotis pour chercher la soupe ou coltiner des rondins, à battre la semelle dans la neige, au petit poste, on a constamment froid aux pieds. Alors, « on les aura » Quoi ? les pieds gelés. Eh bien non ! car les états-majors, dans leur sagesse bien connue se sont aperçus que les hommes sont, en effet, en danger du côté des pieds. Ils n’ont mis que vingt-huit mois à s’en apercevoir.
---------Le vingt-neuvième mois, ils ont remarqué que les deux paires de chaussettes « réglementaires » étaient insuffisantes pour assurer un renouvellement fréquent aux pieds d’un même homme.
---------Le trentième mois, ils ont décidé d’allouer une troisième paire de chaussettes. Ainsi les hommes pourront avoir les pieds dans de la laine sèche. On ne saurait trop louer cette mesure, qui, pour tardive, n’en est pas moins intelligente et utile.
---------Voici la note parue à la décision de la 164ème D.I., du 6 février 1916 :
« Froidure des pieds »
---------« L’expérience a démontré que l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre »les froidures des pieds" est, pour les hommes de service dans les tranchées, de changer de chaussettes chaque jour. Les chaussettes doivent être sèches, autant que les circonstances le permettent, pour pouvoir ultérieurement être remises sèches aux pieds.
---------Afin de faciliter l’échange et le séchage des chaussettes, il est décidé que, pendant la saison d’hiver, les hommes appelés à prendre le service dans les tranchées, recevront trois paires de chaussettes au lieu de deux.
L’attribution de cette troisième paire de chaussettes est strictement réservée aux hommes ci-dessus désignés. La mesure s’appliquera, en conséquence, aux unités d’infanterie et du génie de l’avant ( à l’exclusion des hommes appartenant aux T.R. et aux parcs), à la moitié environ des hommes de la cavalerie, à 1/10èdes effectifs de l’artillerie. Aucun homme appartenant aux troupes d’étapes ne recevra trois paires de chaussettes.
---------Les demandes de chaussettes nécessaires pour que les hommes qui doivent être pourvus d’une troisième paire de chaussettes en soient dotés, seront adressées sans délai aux entrepôts d’habillement dans la forme ordinaire."
---------Seulement, la note annonçant cette sage libéralité, contenait à la fin un petit additif ainsi conçu :
---------« La troisième paire de chaussettes constituera un »matériel de secteur« à passer en consigne en cas de relève. »
Ainsi, à chaque relève, on devait passer au régiment suivant les 1.575 paires de troisièmes chaussettes laissées dans le secteur par la troupe relevée. On ne dit pas si elles auront été lavées. Le métier d’officier chargé du matériel ne manquera pas d’agrément, surtout aux premières chaleurs. Heureusement, cet officier est aussi chargé des gaz.
---------Alors ? “ Alors, on n’a pas distribué les 1.575 paires de chaussettes « de secteur », qui pourrissent dans des caisseset les poilus ont continué à se geler les pieds.
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---------« L’homme est un être délicieux : c’est le roi des animaux. On le dit bouché et féroce : c’est de l’exagération. Il ne montre de férocité qu’aux gens hors d’état de se défendre, et il n’est point de question si obscure qu’elle lui demeure impénétrable : la simple menace d’un coup de pied au derrière ou d’un coup de poing en pleine figure, et il comprend à l’instant même. »