Une entreprise de menuiserie de Villeneuve d’Ascq (Nord) rebâtit le moulin de Valmy avec la collaboration du molinologue le plus réputé de la région.
Les Nordistes et le Villeneuvois en particulier ont du savoir-faire. Surtout pour préserver le patrimoine de la région et ses plus beaux fleurons, les moulins. C’est un expert qui le dit, Jean BRUGGEMAN, responsable de l’association régionale des amis des moulins (ARAM), directeur du musée des moulins et molinologue reconnu. « Quand il s’est agi de reconstruire le célèbre moulin de Valmy, emblème de la victoire républicaine de 1792, abattu par la tempête de 1999, le cahier des charges de la communauté de communes de Sainte-Ménehould a bien spécifié que l’architecte engagé devrait s’entourer d’un molinologue, c’est le terme employé ! »
Monsieur BRUGGEMAN n’est pas peu fier de voir ainsi officiellement reconnue sa spécialité. Mais le plus bluffant, dans cette affaire du moulin de Valmy, c’est l’obtention du marché de reconstruction par une entreprise villeneuvoise : Création Bois, dont le directeur, Patrick DUCROS, est un charpentier confirmé, de même que la dizaine de salariés qu’il emploie. Appelée à restaurer des ouvrages en bois pour les Monuments Historiques, l’équipe est devenue, au fil des ans, spécialiste en matière de moulins de tous types. « Nous avons donc répondu à l’appel d’offres lancé en 2003 pour refaire entièrement le moulin de Valmy. Tout est réalisé ici à partir des plans conçus par Monsieur BRUGGEMANN ». Quant à l’architecte retenu, Monsieur CARLIER, de Blois, il s’occupe de l’aménagement du site en général et fait entièrement confiance aux Villeneuvois pour le moulin.
Le travail est déjà bien entamé. Là-bas, les fondations ont été creusées. A Villeneuve d’Ascq, les pièces détachées “ pivot, rouet, ailes “ sont pratiquement terminées ainsi que la partie centrale, la tour. Celle-ci, haute de sept mètres, large de six et profonde de quatre mètres sera livrée d’un seul bloc par convoi exceptionnel, certainement au début de l’année 2005. Le devis, au total, s’élève à 300.000 hors taxes.
« L’ensemble constitue un travail remarquable, explique Monsieur BRUGGEMANN, avec un pivot de trois tonnes et demi-taillé dans un tronc de chêne de trois cents ans provenant de la forêt d’Orléans. La fabrication des pièces qui feront tourner le moulin est délicate, nécessite des indications précises ». L’amoureux des moulins s’enflamme en parlant du chantier. Pourtant, il a bien failli ne pas être associé à cette histoire : « J’avais vu l’état du moulin de Valmy en 1986. Détruit en 1792, reconstruit puis abandonné en 1832, il était resté en ruine jusqu’en 1939. A cette époque, les politiques ont voulu lui redonner forme pour célébrer le 150ème anniversaire de la bataille. Pour cela, on est allé chercher dans le Nord le moulin d’Attiches et on l’a installé sur la colline de Valmy, à peine transformé. Mais ça n’a jamais bien collé. Le style champenois, à huit pivots, n’a pas été respecté En 1989, on aurait pu profiter des fêtes du bicentenaire de la Révolution pour le rénover sérieusement. Au lieu de ça, l’Etat a dépensé des millions de Francs pour l’entourer d’œuvres contemporaines, style BUREN, d’une grand’roue. On n’a rien fait pour consolider le moulin. Quand la tempête l’a abattu, ça ne m’a pas surpris ! »
A cette époque, Monsieur BRUGGEMANN a écrit pour proposer ses services, sans recevoir de réponse. « Le plus scandaleux, c’est qu’on a laissé les pièces étalées sur le sol, à l’air libre, pendant des années. Les meules ou le pivot auraient pu être sauvés. Heureusement, j’ai réussi à récupérer quelques éléments pour le musée puisqu’il faut tout refaire à zéro ».
Sous son côté bougon, Monsieur BRUGGEMANN est quand même heureux de ce qui se passe actuellement : « Pour la première fois depuis 1832, le moulin reconstitué fonctionnera, fera de la farine. Les touristes seront au rendez-vous ».
D’après « La voix du Nord » du 03.12.04

Charpente de la toiture - Photo J. BRUGGEMAN

Taillage du pivot par M. DUCROS, charpentier - Photo J. BRUGGEMAN