Originaires de Maurupt le Montois où ils se sont mariés en 1943, Arceline, appelée familièrement Zine et Henri (Riquet) Gérard sont aujourd’hui retraités et vivent à La Placardelle. Ils aiment évoquer les années difficiles de l’après guerre, quand ils étaient « boeutiers » [1]
Fin 1944, alors que la guerre n’est pas encore terminée, la Société Rémoise d’Exploitation Forestière, Paindavoine et Cie, recherche des débardeurs [2] en Argonne. Elle leur fournit des bœufs, car des chevaux, il n’y en a plus ! Eux aussi ont payé un lourd tribut à la guerre.
Riquet est embauché, Zine un peu plus tard après une période d’essai. Dame, il fallait bien qu’elle prouve qu’une femme était capable de conduire un attelage !
« Nous avions chacun notre bulletin de paye », précise-t-elle avec fierté. »
Tous les deux étaient « tâcherons », payés au stère, plus des primes diverses (pansage et brossage des bœufs...) et des journées en régie quand il fallait, par exemple, aller faire ferrer les bœufs souvent à plusieurs kilomètres. C’était une bonne maison », affirme Riquet.
Ils se rendaient sur une coupe dès que les bûcherons l’avaient quittée et restaient là plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ils débardaient principalement des bois de mine [3], mais aussi du charbon de bois et de la charbonnette. Riquet conduisait deux grands bœufs blancs, appelés Gamin et Mouton attelés à une grosse
charrette, et Zine deux bœufs plus petits qui tiraient un « barôt » [4] . L’un était gris et s’appelait Marius, l’autre était jaune et s’appelait... Jaunet.
« On a eu toujours les mêmes, ils étaient très dociles, nous obéissaient au doigt et à l’œil. Jamais nous n’avons eu besoin d’utiliser le fouet. Ils connaissaient nos voix, et ne les confondaient jamais. Marius et Jaunet avaient souvent soif. Dès qu’ils passaient à proximité d’eau, ils fonçaient et rien ne pouvait les retenir ! Ils n’ont pourtant jamais fait verser la voiture ! Gamin et Mouton étaient plus calmes.
Une fois, nous sommes restés en panne un mois. Les bœufs ne voulaient plus avancer sur le goudron. L’un avait un caillou coincé entre deux doigts. Il a fallu attendre qu’il soit guéri. On est resté tout ce temps chez MonsieurDruen, marchand de bestiaux rue Camille Margaine à Sainte Ménehould.
Les bœufs passaient généralement la nuit sur la coupe. Ils étaient attachés dans un abri construit pour eux, avec des bottes de paille autour pour les protéger Leur nourriture “ avoine concassée, foin, son mélassé - était amenée chaque semaine depuis Nettancourt. Certains tâcherons, malheureusement, revendaient la nourriture des bœufs, qui n’ayant plus assez à manger tombaient malades.