Près de l’étang de Charlevaux, à la Pissotte.....
Pour ce chantier là, on logeait dans un baraquement à Binarville.
C’était des prisonniers allemands qui coupaient le bois. Ils étaient nourris de choux-navets, mais nous on se débrouillait : on achetait blé, farine, jambon œufs, lait à la ferme Baron.
Un autre" boeutier [8], le Kaddour ne chargeait pas sa voiture complètement, il allait plus vite que nous ! Mais à un endroit, le chemin était encaissé, impossible de doubler, il était bien obligé de suivre ! Ce chemin était même tellement encaissé qu’une fois, Zine a été coincée par une souche d’arbre qui dépassait. Bonjour les contusions !
Vienne le Château, ravin des pommiers....
On logeait toujours à Binarville et il fallait pourtant arriver sur la coupe à 5 heures du matin pour nourrir et soigner les bœufs... Nous n’avions
qu’un seul vélo pour nous deux.
C’était un vélo d’homme, on mettait Serge sur le cadre et on se relayait.
Il y avait sur place un poêle à soldats sur lequel on mettait cuire les pommes de terre doucement avec de l’eau dans un faitout. Quand on revenait après un voyage, c’était bon à manger. On faisait aussi griller du lard, on mangeait les chaillons (prononcer chôyons !!) La graisse servait à assaisonner la salade sauvage que nous ramassions dans un ruisseau. On trouvait de la « favée » [9] et aussi du cresson.
On achetait de la farine chez un meunier, et on l’apportait chez le boulanger de Vienne qui nous faisait du pain « en douce », car il y avait encore des tickets de rationnement [10].
(Voir ci-dessus les tickets encore attachés à une carte « matières grasses, fromage et divers » du mois de novembre 1941 )
Montfaucon : on y est resté sept ou huit mois.
Une baraque de bûcherons en terre nous a accueillis. Il y avait une source tout près. Le chemin, était une belle tranchée pierrée, mais..... avec des trous d’obus au milieu. Pour passer, on devait les boucher avec des morceaux de bois.
1947, année de sécheresse, il n’y avait plus d’eau au village, tout le monde venait puiser à la source. Aussi, on faisait boire les bœufs de très bonne heure, quand il faisait encore nuit.
A l’emplacement d’une meule de charbonniers, on a semé des radis, de la salade : ça poussait très bien. Pour ne pas avoir à aller tous les soirs à Montfaucon chercher du lait pour Serge, on a acheté une chèvre qu’on a baptisé « Nénette ».
On remplissait le biberon - toujours la bouteille de pulmosérum !!- avec son lait.
Un jour, raconte Zine, je ne vois plus Serge (il avait 3 ans environ). Riquet ne le trouve pas non plus Affolés, on commence à chercher alentour en l’appelant et soudain, on voit Nénette les pattes arrières écartées, qui ne bougeait pas. Serge en dessous d’elle buvait directement au pis !!
C’est là aussi que Zine a reçu un bois de mine sur la tête et a été presque aveugle pendant 3 semaines.
Vienne le Château au Rondchamp [11], notre dernier chantier !
C’était une grande coupe de 40 hectares pas très loin du village. Il y avait quatre attelages en plus des nôtres. On ramenait les bœufs tous les soirs dans une écurie près de notre logement, deux pièces contre une muraille.
Puis, en 1948, Béguignot, une entreprise du Nord, est venue avec des tracteurs.
Le débardage, pour nous, c’était fini ! On a quitté nos bœufs avec tristesse, on a mangé les oies, gardé la descendance de Nénette, et cherché du travail ailleurs. A l’époque, il n’en manquait pas. »