Monsieur Gérard LELORAIN communique la copie d’un manuscrit qu’il détient. Cette lettre a été écrite le 10 mai 1786, par le Comte de Dampierre de Hans, qui connût une fin tragique, lors du retour du Roi, de Varennes à Paris, le 22 juin 1791.
Cette lettre porte la marque postale SMENEH (Sainte-Ménehould). La taxe à payer par le destinataire était de 15 sols. L’auteur indique bien « à Han, près Sainte-Menehould en Champagne, à Sainte-Menehould. Il n’y avait pas de poste rurale à cette époque et il fallait envoyer quelqu’un au bureau de poste ménéhildien pour y prendre le courrier. Le Comte de Dampierre, méfiant et sans doute prévenu par d’antérieures expériences malheureuses, spécifie bien d’indiquer précisément l’adresse pour que les missives ne s’égarent pas à Ham, en Picardie : le destinataire, Madame de CORDUANT, habitait à Bournois, près de Lille, sur le Doubs, aujourd’hui Isle-sur-le-Doubs (code postal 25250).
Le contenu proprement dit donne peu d’indications historiques, mais on remarquera le style et l’écriture peu normée de l’époque. Monsieur Raymond CHARLES, qui en a fait la transcription, a respecté les conjugaisons, ponctuations et l’orthographe fantaisistes.
L’étiquette imposait une forme tourmentée. Le Comte de Dampierre, dans sa demande à Mme de CORDUANT, emprunte les chemins détournés de la politesse excessive.
« En maddressant madame a monsieur de chatillon, ou plutôt au quartier maitre du régiment de condé, que je croiois être monsieur de sennac, et c’est monsieur de chatillon qui ma répondu, j’ai appris vôtre addresse, et ai l’honneur de vous écrire pour vous prier de me donner des nouvelles de monsieur l abbé de jevignai, je lui suis infiniment attaché, et voudrois pour toute chose scavoir comment il se porte, et ou il habite ; je vous demande en grace madame, de vouloir bien avoir la bonté de m’en instruire, et de me faire l’honneur de me répondre ; je n’ai pas mandé à monsieur de chatillon que c’étoit pour cette raison, que je lui demandois l’addresse de madame de corduant, je lui ai dit que c’étoit quelqu’un qui devoit à monsieur de corduant, un officier du corps dans lequel je suis et qui étoit bien aise de scavoir madame votre addresse pour nous faire passer (rature) dû ; je vous prie quand il vous en parlera de lui dire la même chose ; je vous demande mille pardons madame, de mon importunité ; et vous demande pour grace d’avoir la bonté de m envoier l’addresse de monsieur de jevignai en me donnant des nouvelles de sa santé ; mon frère qui avait l’honneur d’être le camarade de monsieur de corduant me donne des droits à vos bontés et l’amitié que monsieur votre frère m a toujours marqué men donne aussi ; ces deux titres me font espèrer que j obtiendrai de vous madame, la grace que j’ai l’honneur de vous demander j’ai celui d’être avec respect vôtre très humble et très obéissant serviteur le cte de Dampierre.
a han près Ste menehould en champagne
a Ste menehould ce 10 mai 1786 ; si vous me faites l’honneur de me répondre je vous prie madame de vouloir bien mettre ainsi l addresse parce que sans cela la lettre irait à ham en picardie ;
Franche comté
Madame de corduant
A bournois par lille sur le doubs en franche comté
A lille sur le Doubs
A la sortie de Sainte-Ménehould, sur la route nationale 3 en direction de Châlons-en-Champagne, une stèle commémore le meurtre du Comte de Dampierre.
Cet événement fut interprété de façon controversée dans les années qui suivirent.
Certains y virent le sacrifice d’un noble resté fidèle à son roi, tué par la « racaille révolutionnaire ». On ajouta alors aux circonstances déjà pénibles, des détails sanguinolents inventés de toute pièce.
D’autres laissaient entendre que le Comte, peu estimé dans la région, avait récolté là ce que son arrogance, son obstination et son refus de respecter les consignes données par les gardes nationaux avaient semées.
Loin de ces interprétations partisanes, Jacques HUSSENET a fait le point sur ce meurtre dans le tome de l’année 1991 des mémoires de la société d’agriculture commerce sciences et arts.
Avec la minutie, la réflexion et l’indépendance d’esprit qui le caractérise, notre historien « local » a rédigé là le texte de référence sur cette péripétie.