---------A Sainte Ménehould, quartier général de Dumouriez, où les représentants arrivèrent le 30 septembre au soir, ils constatèrent la grande activité des corps administratifs, admirèrent l’héroïsme de deux jeunes filles, les demoiselles Fernig [2], qui servaient d’aides de camp au général en chef, organisèrent des secours pour les blessés, visitèrent les ambulances dont ils déplorèrent l’état rudimentaire, firent remplacer partout les paillasses par des matelas. Prieur, en parcourant l’hôpital militaire, vit un malheureux soldat grelottant sous une mince couverture. Sans dire un mot, il se dépouilla de sa houppelande et, nouveau Saint-Martin, la déposa sur le corps du pauvre blessé qui souffrait.
---------Dans la matinée du 1er octobre, les commissaires visitèrent à cheval le camp de la Lune et de l’Hyvron, abandonné par les ennemis en arrière de Sainte Ménehould. « La route, dirent-ils, dans leur compte rendu, était jalonnée de cadavres ; le terrain ressemblait à un vaste cimetière où plus de 300 chevaux gisaient, morts, et moitié dévorés ». [3] Et c’est de ce cimetière, ajoutait Dumouriez, que le duc de Brunswick envoya le plus insolent des manifestes.
---------Ce même jour, laissant Dumouriez préparer son retour à Paris, ils suivirent Kellermann qui, en inquiétant les derrières de l’armée austro-prussienne, en pressait la marche vers la frontière. Ils poussèrent même, le 2, jusqu’à Clermont en Argonne, que les Hessois venaient d’abandonner.
---------Le 3, à la pointe du jour, tandis que Sillery restait à Sainte Ménehould, tourmenté par la goutte, Prieur et Carra coururent à Suippes où était campée l’armée du centre, commandée par Kellermann, qu’ils n’avaient pas eu le temps d’inspecter lors de leur passage le 30 septembre. Ils se rendirent compte des ravages causés dans toute la contrée. Les émigrés durant tout leur séjour détruisirent toutes les récoltes, empoisonnèrent les sources, tuèrent les bestiaux ou, comme le 27 septembre à Hans, se firent livrer dérisoirement des troupeaux entiers contre une promesse du roi de France s’engageant à en payer la valeur lorsque « sa personne sacrée » serait libre, et brûlèrent des villages entiers comme Somme Tourbe, La Croix, Somme Suippe, La Chapelle, etc
---------Afin de remédier à ce triste état de choses, les représentants durent séjourner quelques jours à Sainte Ménehould. Ils s’efforcèrent de réparer ces désastres en distribuant les secours les plus urgents et en sollicitant de la Convention et du Conseil général du département des mesures efficaces pour indemniser les malheureuses victimes.
---------Le 8 octobre, ils quittèrent Sainte Ménehould et vinrent camper à Dombasles. Leur périple les mena le 9 à Sivry la Perche, le 12 à la citadelle de Verdun, le 14 dans la ville que les émigrés et les Prussiens venaient de quitter. Le 16, ils sont à Etain. Partout ils portaient la bonne parole, s’efforçaient de mettre en place les hommes et les structures qui permettraient à la Convention d’établir son pouvoir. Leurs rapports, envoyés quotidiennement à la Convention, sont des documents du plus grand intérêt pour apprécier la situation dans notre région au lendemain de Valmy, même si on doit les lire avec la prudence qui sied à tout historien.
D’après Gustave Laurent
« Les échos de Valmy »
Henri Matot éditeur 1900