RECIT DE LA BATAILLE
par le Général KELLERMANN
---------Lettre datée du Q.G. de Dampierre-sur-Auve, le 21 septembre 1792, à 9h00 du soir.
---------Je m’empresse, Messieurs, de vous instruire de la journée d’hier. Les ennemis ont attaqué dès la pointe du jour, M. DESPRES de CRASSIER qui commandait mon avant-garde ; il s’est replié sur moi en se défendant avec valeur et intelligence. Les ennemis en très grand nombre ont marché sur plusieurs colonnes. M. VALENCE, à la tête des grenadiers et des carabiniers, les a contenus longtemps sur une hauteur en avant de celle où je formais mes troupes. Ne pouvant que difficilement pénétrer, ils ont prolongé leurs troupes sur ma droite sous la protection d’une immense artillerie.
---------Je me suis alors rangé en bataille, et quelque désagréable que fût la position que j’ai prise, étant bien loin de croire qu’une aussi grande partie de leur armée eût passé par la trouée de Grandpré, je lui ai présenté le combat depuis 7 heures du matin jusqu’à 7 heures du soir : ils n’ont jamais osé m’attaquer malgré la bien grande différence du nombre, et la journée s’est passée en une canonnade de 14 heures, de très près, et qui nous a coûté beaucoup de braves gens.
---------On dit que les ennemis ont prodigieusement perdu, surtout de leur cavalerie et de leur artillerie.
---------Je ne puis rendre assez de justice à la valeur et au zèle des officiers généraux, supérieurs et particuliers, et à la conduite des troupes. Je les ai vues perdre des rangs entiers par l’explosion de trois caissons incendiés par un obus, sans sourciller ni déranger leur alignement.
---------Embarrassé du choix, je ne citerai parmi ceux qui ont montré un courage que M. de CHARTRES.
---------Je vous enverrai par la prochaine occasion des pauvres veuves que je vous prierai de recommander au Corps législatif pour leur faire obtenir des secours.
Le Général en Chef de l’Armée du Centre
UNE CANONNADE IMPRESSIONNANTE
VALMY : première bataille des guerres modernes
où l’artillerie joue un rôle déterminant.
Quelques témoignages cités par Jean-Paul BERTAUD
(Valmy “ La démocratie en armes)
Un soldat anonyme (Archives de la Guerre Série P9-21)
---------« Camp de Sainte-Ménehould, 21 septembre 1792.
---------« Nous avons tenu l’ennemi entre deux feux depuis cinq heures du matin jusqu’à cinq heures du soir. Il ne pouvait avancer ni reculer, le canon seulement, de part et d’autre, n’a cessé ; nous avions un avantage décidé sur les ennemis au point que les deux tiers de notre armée était seulement pour couper le passage, si l’ennemi avait osé quitter son poste
---------« Il ne pouvait pas quitter son poste ; nous occupions les deux hauteurs de droite et de gauche, de manière qu’il se trouve arrêté sans bouger.
---------« Tâche de déchiffrer ma lettre comme tu pourras. Je t’écris par terre et avec un fêtu de paille. Nous couchons sur terre comme des rats, il n’y fait ni chaud ni bon ; malgré cela, ça ira, ça ira, ça ira »
Un officier du 1er bataillon des Volontaires de l’Aube (P. GIRARDON “ Lettre du 23 septembre 1792)
---------« Nous avons eu le 20 une attaque qui a commencé à six heures du matin, qui a fini à sept heures du soir. On n’en est pas venu à l’arme blanche. Le canon a toujours roulé toute l’attaque. Les anciens serviteurs m’ont dit qu’ils n’avaient jamais entendu le canon de cette manière. »
Le dragon MARQUANT (Carnet d’étapes)
---------« L’artillerie fit depuis l’aurore jusqu’au déclin du jour, un des feux les plus acharnés que nos vieux guerriers aient jamais vu dans leurs premières campagnes. »
Un soldat prussien, LAUKHARD
---------« Ce fut surtout une de ces batteries qui décida du résultat de la journée ; cette batterie, adossée à un moulin à vent, tint notre infanterie en échec et l’empêcha de donner. »