---------En route vers l’Argonne
---------- Quand te rapproches-tu de la région ?
---------- J’étais devenu capitaine. On me demanda de prendre le commandement d’un convoi de rapatriement jusqu’à la ligne de démarcation à Châlon-sur-Saône. J’ai présenté la liste des mille gars et je suis resté dans le train avec eux. Voulant reprendre un poste d’instituteur, je téléphonai à l’inspection académique qui me proposa un poste à Reims.
---------Je décidai de me rendre à Mussey (aujourd’hui Val d’Ornain) où je suis né pour obtenir mes papiers (carte d’identité “ carte d’alimentation) ; la complicité d’une garde barrière me permit de passer la ligne de chemin de fer, frontière de la zone interdite. La mairie de mon lieu de naissance refusa de me démobiliser, car je ne possédais pas la fiche adéquate.
---------Je ne me privai pas de les traiter de collabos. En définitive, à Bar-le-Duc, une femme travaillant à la préfecture arrangea l’affaire. J’étais heureux d’avoir des papiers zone interdite, ce qui me permettrait plus aisément de me rendre dans la Meuse.
---------- Tu es encore loin de l’Argonne !
---------- J’y arrive. Je demandai un poste le plus près possible de la ligne de démarcation d’avec la zone interdite. Me voilà nommé à La Neuville-au-Pont, en remplacement de Monsieur VAUCHE. Je ne pouvais mieux tomber, le village étant situé de chaque côté de la rivière Aisne. J’avais un laissez-passer permanent.
---------Des velleités
---------- Et la résistance dans tout cela ?
---------- J’ai commencé à chercher des gars refusant la défaite. Je logeais chez un agriculteur, M. TARON. Les contacts étaient faciles. On a vite formé un petit groupe. Nous avions pour objectif de nous procurer des armes pour entreprendre des actions. On rêvait. Par l’intermédiaire du curé, j’ai reçu un avis qui m’invitait à être plus prudent. Je n’en ai jamais connu l’origine. Petit à petit, on s’est organisés. Nous allions faire du bois dans la forêt de la Viergette (je faisais trente-cinq stères à la hache chaque hiver), ce qui nous permettait de repérer des abris.
---------- Comment êtes-vous rentrés dans une organisation ?
---------- Les contacts se sont élargis progressivement. La liaison était assurée par LAVAUX, horloger à Sainte-Ménehould. Il faut reconnaître que nous étions dans l’attente, prêts à agir, mais là s’arrêtait notre mobilisation. Plus tard, nous avons recueilli un aviateur américain. Un jour, j’ai demandé à Alix AUMIGNON « Veux-tu bien être des nôtres ? » Sa réponse positive me combla d’aise. Un ordre est arrivé : « Préparez-vous pour recevoir un prochain parachutage sur Saint-Thomas. Il faudra réagir vite. »
---------La résistance
---------- Et alors, il a eu lieu ce parachutage ?
---------- Oui, en avril 1944.Il fut annoncé sur Radio Londres par deux messages codés : « Le chimpanzé est protocolaire » et « Le chimpanzé sera riche ce soir ». Nous y sommes allés en groupe, dont PICK était le responsable. Un petit groupe était chargé de la réception. Ce n’était pas véritablement une unité constituée avec un chef hiérarchique.
Un groupe de résistants fraternise avec des soldats américains
On reconnaitra au premier rang : JACQUEMET, DESINGLY, Marc JEAN-BAPTISTE, Jean DUBOIS, AMBROISE, MARQUANT, LEIDER, au second rang : FOUDRAIN, LELORAIN, PILLEMENT, MILLOT.