J’ai pu consulter le registre des délibérations du conseil municipal de Chaudefontaine, de 1892 à 1934, grâce à l’amabilité du Maire. Je souhaitais savoir comment les grandes mutations de cette époque étaient évoquées dans ces documents officiels. Il faut, au préalable, préciser qu’il ne s’agit aucunement des procès verbaux des séances (cela n’existait pas alors), mais uniquement des décisions votées avec leurs attendus, ce qui nous prive de la richesse des débats. Je compte m’intéresser à la grande guerre, à la laïcisation de l’enseignement et pour aujourd’hui à la vigne.
Chaudefontaine, commune viticole.
Le vin était, dans l’ancien temps, tout comme le cidre, une boisson quotidienne appréciée. Les communes d’Argonne, celles des marches de l’ouest qui présentaient des pentes exposées au sud, avaient développé un vignoble important. Les territoires en gardent le souvenir dans de nombreuses appellations. Certains propriétaires étaient répertoriés comme vignerons, ce qui laisse supposer qu’il s’agissait là de leur activité principale, mais certainement pas unique (sinon comment auraient-ils pu manger les années de fortes gelées tardives ?)
Si on se réfère aux relevés cadastraux de 1791, Chaudefontaine, avec 49,4 hectares plantés, venait, pour notre secteur, en troisième position derrière La Neuville au Pont 92 ha, Passavant 84 ha, mais devant Ste-Ménehould 34 ha. Cent ans après, le vignoble est réduit à 25ha et en 1896 à 10ha. En 1910, il a pratiquement disparu.
Une lente disparition.
Il serait intéressant de relire ce qu’écrit Jean-Claude Léger dans son histoire de La Neuville au Pont (éditions Guéniot, 2006), car le sort des vignes de Chaudefontaine est bien analogue à celui des deux voisines. Mais revenons à notre village.
Les paysans qui possédaient des vignes jouissaient d’un certain privilège, lié à la place que le vin a toujours eu dans notre civilisation. Aussi arboraient-ils le titre de vigneron, de préférence à celui de cultivateur, dès que leur vigne avait quelque importance. Combien étaient-ils à Chaudefontaine ? En se basant sur l’état des répartiteurs qui ont en charge de réglementer les impôts fonciers, on peut dire qu’en 1893, ils sont encore six pour une superficie en forte régression, 20ha certainement. Douiller Charles et Ambroise, Drapier Arthur et André, Toublan Adolphe et Lambert Jean-Baptiste.
En 1894, toujours six, en 1895, cinq et en 1896, lors du renouvellement du cadastre, la superficie n’est plus que dix hectares pour trois vignerons. En 1899, deux vignerons, Douiller Charles et Toublan Adolphe. En 1901, c’est fini, Douiller Charles se déclare propriétaire.
Le phylloxéra responsable de cette disparition ?
Le phylloxéra est une espèce d’insecte, de puceron ravageur de la vigne.
On le présente comme le dévastateur de tout le vignoble français à partir de 1863, date à laquelle il apparaît dans le Gard avant d’envahir lentement mais inexorablement toute la France (à l’exception des vins de sable). Originaire de l’est des Etats-Unis, il arrive en France via l’Angleterre. Ce puceron s’attaque aux racines jeunes de la vigne et en trois ans celle-ci meurt.
On luttera contre le phylloxéra en arrachant les vignes qui seront remplacées par des porte-greffes américains, naturellement résistants au phylloxéra. La Champagne, très organisée, où les vignes sont bien soignées et surveillées, va croire longtemps qu’elle sera épargnée. Elle aurait peut-être constitué un barrage préservant l’Argonne. Il n’en sera rien.
Les premières attaques, fort limitées, sont constatées au Mesnil sur Oger en 1892 et mettront six ans pour se généraliser. En 1911, on constate que l’implantation du fléau est totale. Mais on a déjà commencé, depuis dix ans, à reconstituer la vigne en utilisant des plans américains résistants.
Regardons tout d’abord les dates.
Il est difficile de préciser le date de l’attaque du vignoble de Chaudefontaine, certainement vers 1908, sur quelques pampres isolés, car le vignoble proprement dit a disparu.