Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Pierre Cellier, l’enfant de chœur.

   par Patrick Desingly



          Dans nos villages, il n’existe pas forcément que des personnages dont la réussite économique, la carrière politique, militaire ou professionnelle attirent l’attention et retiennent la considération. Les petites gens ont aussi leur part. Certes, on en parle plus souvent au Rmi qu’au Lions Club ou au Rotary. Ils ne coupent pas les rubans, ils n’ont pas fait Polytechnique ou l’E.N.A., la politique et l’économie ne les intéressent pas, mais ils existent et sont plus nombreux que l’on croit. Ce sont de braves gens, simples et dévoués. Ils ont toute leur place dans notre société et méritent de temps en temps un coup de chapeau.
          Monsieur Pierre Cellier est de ceux-là. Il est né le 19 décembre 1945 à Moiremont et se trouve être le troisième enfant d’une famille de petits agriculteurs, catholique et pratiquante. Très tôt, à l’école primaire, il travaille à la ferme de ses parents. Il faut des bras, le modernisme agricole n’est pas encore venu frapper à la porte, ici on respecte le rythme des saisons, l’horloge de la cuisine est à la vieille heure, on écoute les infos sur le petit poste et on délibère sur la météo en patois, le plus souvent.
          Les loisirs ne sont pas une priorité et comme le disait sa mère : « Les loisirs, dans mon temps, ça n’existait pas, ça fait gaspiller des sous et rencontrer des drôles ». Aussi, très normalement, dans cette famille catholique, il deviendra dès l’âge de sept ans enfant de chœur, sans pour cela apprendre le manuel de l’abbé Lemée, et cela durera 43 ans. Ce record de longévité ne figure pas dans le livre des records, mais il le mériterait bien, pas de médaille, mais que de souvenirs à raconter ! Il faut dire que dans la famille, on vit, tant au propre qu’au figuré, à la porte de l’église, leur maison jouxtant le cimetière.
          Son père Pol, ancien maire de Moiremont, sonnait les cloches. Sa mère Suzanne comptait les quêtes, assurait le repassage des aubes, des soutanes et des surplis. Son frère Robert était sacristain. Son frère Michel s’occupait du pain bénit. Mais revenons à l’enfant de chœur.
          C’est un plaisir, autour d’un verre, de l’écouter parler avec sa voix gutturale, de son service à l’église : -"Enfant de chœur, ce n’est pas n’importe quoi, c’est presque une vocation. D’ailleurs le Bon Dieu le sait bien. Déjà quand j’ai commencé, on était six. Il a fallu que j’apprenne le latin, enfin quelques formules pour répondre à monsieur le Curé. On était obligés car la messe était dite en latin. A cette époque, une fois par semaine, les vêpres, des petites messes en particulier, quelquefois pendant une semaine, avant l’école, avec un prêtre belge, parent de Mr et Mme Van Der Looven, un mariage, un enterrement, un baptême, des processions par-ci par-là, ça faisait du boulot, et pas moyen de se faire remplacer, la direction veillait. Mon Dieu, si j’avais tiré au flanc, je prenais sûr un coup de trique.
          - J’en ai vu passer des enfants de chœur et je leur assurais la formation de base. Du reste, la plupart sont restés mes amis.
          - Le rôle des habits de monsieur le Curé avec ses couleurs : blanc pour les fêtes de la Sainte Trinité ; rouge pour les fêtes de la croix et de la passion ; violet pour la pénitence ; noir pour le vendredi saint et la messe des défunts ; vert pour les dimanches ordinaires. Les génuflexions à un ou deux genoux ; l’inclination devant la croix des autels ; l’inclination lorsque l’on passe devant le prêtre assis sur sa banquette et j’en passe
          Quand j’ai vu arriver les filles, je me suis dit, la relève est là, mais la mode a dû passer La première à Moiremont a été, je crois, Delphine Dagas. De tout mon temps d’enfant de chœur et de servant, à la date d’aujourd’hui, j’ai eu, pour dire, quatre patrons : Mr l’abbé Cheutin, Mr l’abbé Suey, Mr l’abbé Gandon et Mr l’abbé Colombard. J’ai même servi monseigneur Pierrard et j’en suis pas peu fier. J’aime ce que je fais, je le fais honnêtement et sans jamais tricher. Les mauvaises langues disent que j’ai déjà bu du vin de messe, mais ce n’est pas vrai, il n’aurait pas fallu, mes parents m’auraient tué et puis d’abord Mr le Curé le reprenait dans sa valise ou le cachait.
          Quand mon père a cessé de sonner les cloches, dans un premier temps, ma mère l’a remplacé, mais monter au clocher trois fois par jour, elle a été vite fatiguée, alors j’ai pris sa place et ce n’est pas rien. La veille de la Toussaint, par exemple, on sonnait à toute volée, en continu, pour la fête de tous les saints, et le soir de la Toussaint, on tintait pendant plusieurs heures pour les morts. Aussi, le lendemain, la messe des défunts terminée, on quêtait dans le village en guise de remerciements. L’affaire était sérieuse et les habitants généreux.

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