A la suite de conversations à bâtons rompus, des témoignages tout à fait spontanés de deux femmes âgées de 22 et 15 ans à l’époque, donnent un éclairage sur la vie à la fin des années 1950 et de le début des années 1960. Cela concerne le rôle de la religion alors omniprésente dans la vie de tous les jours et l’influence qu’elle exerçait dans l’éducation des jeunes à travers ces deux petits récits qui peuvent surprendre et faire rire aujourd’hui.
Le premier de ces témoignages se déroule pendant la mission de décembre 1957. Qu’est-ce qu’une mission ? C’était un temps fort de la religion qui consistait à faire venir un religieux prêcheur chargé de redynamiser la foi dans les paroisses. A Auve, du 8 au 25 décembre, il y eut un office tous les jours. On y voyait alors, le soir, après le travail, même des gens qui ne mettaient jamais les pieds à l’église.
Dès son arrivée, le père Guillerm, le prédicateur de cette mission, avait commencé à faire le tour des maisons pour s’assurer de la présence bien visible ou non de signes religieux dans les maisons des paroissiens comme par exemple un crucifix mis en évidence au-dessus de la cheminée.
D’autre part, le bal du dimanche était une des rares sorties des jeunes de l’époque, ce qu’il ne devait pas trop apprécier. En effet, au sermon d’une messe dominicale, à la fin de son séjour, il y alla de sa petite leçon de morale destinée aux parents des jeunes gens et des jeunes filles, ce qui, à coup sûr les feraient réagir, surtout en employant ces termes là : « vous êtes plus au courant du nombre de poules dans votre poulailler que de savoir où vont vos filles ce soir. »
Pour la petite histoire, il est un peu dommage qu’un sermon ne soit réduit qu’à un monologue. Un dialogue aurait peut-être débouché sur des choses intéressantes et des points de vue variés et contradictoires, car à côté des éternels béni-oui-oui adeptes du « amen », il y avait aussi des personnalités bien marquées à l’époque.
Ce qui est arrivé à deux collégiennes d’Auve au tout début des années 1960 ne manque pas de saveur. Elles avaient invité une copine d’école à passer une agréable journée lors de la fête patronale de la Saint-Martin, se déroulant en novembre ces années-là avant d’être avancée au premier dimanche de juillet ensuite.
Le traditionnel repas de fête avait suivi la messe solennelle du matin. Ensuite, attirées par le son de la musique au loin, et obligées de rentrer dès le soir chez les sœurs de Notre-Dame de Châlons, toutes les trois s’en allèrent de bonne heure et surtout de bonne humeur, l’après-midi, bras dessus, bras dessous, rejoindre le centre du village près du café « Popol » où se déroulaient les festivités. Mais arrivées au niveau du croisement avec la route d’Herpont, autres sons, de cloches cette fois-ci : ceux annonçant les vêpres. Et là, elles se firent facilement « cueillir » par la tante du curé, mademoiselle De Greffier, qui, elle, avait choisi une toute autre destination pour occuper son après-midi.
Aussitôt, changement de direction, virage à 90° vers le droit chemin ?.... Cela se fit tout simplement, pas besoin de longs palabres, il n’y avait qu’à obéir et suivre. Et c’est ainsi que l’on put les voir et entendre chanter les vêpres, peut-être pas entièrement concentrées sur les joies futures de l’au-delà, mais, certainement déçues d’attendre pas loin d’une heure pour goûter enfin à des joies, certes plus terre à terre, mais tellement plus proches.
C’est dans les manèges, devant les boutiques et au son d’une musique entraînante qui invitait à la danse, quelque peu différente de celle des psaumes du début de l’après-midi, qu’elles poursuivirent cette journée déjà bien chargée avant de rejoindre les sœurs de Notre-Dame. Mais là, elles seraient dispensées, contrairement aux garçons de leur âge, élèves au collège Saint-Etienne également à Châlons, dans les années 1950, des « complies », cet office religieux probablement destiné à mieux équilibrer le temps passé le dimanche pour les plaisirs terrestres par rapport à ceux du ciel.