Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Récit de Monsieur Albert CHAMPION

Déporté n° 100 061

   par Patrick Desingly



           Né en 1927 à Clermont en Argonne où il vit toujours. Albert CHAMPION nous raconte ses souvenirs douloureux d’août 1944, à l’occasion des fêtes commémoratives de la déportation.
           Le 30 juillet 1944, l’horreur s’est abattue sur Clermont en Argonne. En représailles d’un acte de résistance, 100 hommes du village sont déportés « politiques », 28 seulement en reviendront et à quel prix ?
           Monsieur Albert CHAMPION fait partie des survivants. Avec humilité et une larme au coin de l’œil, il me confie, en pensant à tous les siens, son témoignage recueilli en août 1997 par Monsieur Pierre LEFEVRE.


Un parcours chaotique

           Après avoir été arrêté comme les autres, je suis arrivé à Ecrouves puis transféré à la prison Charles III à Nancy (j’avais seulement 17 ans). Le 19 août 1944, la prison est évacuée et nous sommes conduits au Struthof via la gare de Rothau où nous restons environ trois semaines.

           Là, huit Clermontois nous ont quittés et sont allés directement à Schömberg ; parmi eux, il y avait Ernest Halbin, Michel Ribon, Louis Roland, Henri Romieu, Georges Thénot et Gilbert Vauquois.

           Le 4 septembre 1944, nous sommes arrivés à Dachau (au nord-ouest de Munich) puis, le 12 du même mois j’ai été transféré à Ottobrünn (au sud-est de Munich) avec quatorze autres Argonnais : Emilio et Lino Aimini, Arsène Suysse, Jean Champion, Gaston et Marcel Charle, Marcel Collet, Georges Hautier, Fernand Jadoul et des fils André et René, Henri Laurent, Hector Nicora et Albert Schmitt. Je n’y suis pas resté longtemps, car j’ai été transféré le 20 septembre à Dautmergen (dans la vallée du Neckar, à 80 km au sud-ouest de Stuttgart). Mon frère Marcel y a été abattu le 18 octobre 1944, car il avait tenté de rejoindre des prisonniers de guerre.

           J’ai donc passé tout l’hiver dans cet enfer et le 11 avril 1945, nous sommes partis à la gare de Schömberg puis en train jusqu’Allach, près de Dachau, où j’ai retrouvé d’autres Clermontois comme Ernest Halbin, Louis Roland et Henri Romieu qui sont morts tous les trois fin avril dans le « bloc des malades » ainsi que Georges Thénot et Gilbert Vauquois qui s’en sont sortis.

La vie quotidienne

           La journée commençait par l’appel de tous les déportés : nous devions suivre plusieurs ordres :
           « Garde à vous !
           Mains au corps !
           Mützen (casquettes) !
           Reposez les mains ! »

           Si un déporté ne faisait pas tout cela très bien, il était puni : il devait se mettre accroupi, sur la pointe des pieds et les bras tendus. Une fois, j’ai triché, j’avais les pieds à plat : j’ai reçu un coup de « goumi » (sorte de tuyau en caoutchouc avec des fils tressés) et j’ai été complètement abasourdi.

           D’ailleurs, nos gardiens tapaient sans cesse sur nous. Un jour, Aristide Adami a reçu vingt-cinq coups de schlague, car il avait tenté une évasion. J’ai également reçu un coup de crosse de fusil, car je ne travaillais pas assez. Un hématome s’est formé et a provoqué une tumeur ; cela a nécessité une opération en mai ou juin 1945 et j’ai été soigné très longtemps.

           De plus, en apportant un fagot de bois à la cuisine, j’ai été roué de coups par des petits jeunes qui travaillaient là ; ils étaient de corvée de peluches et avaient gagné cette planque, car ils servaient de femmes aux kapos. Cela m’a provoqué une éventration diaphragmatique...

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