En une autre circonstance, nos soeurs arrivent dans un petit village et trouvent dans une rue cinq maisons fermées, les trois suivantes ayant des malades et chacune un cadavre. Elles demandent des cercueils. - « Ils sont faits, leur répond-on, mais on ne veut pas les apporter. » - « Qu’on les apporte au moins jusqu’au milieu de la rue ! » - Sœur Stanislas traîna le premier cercueil jusqu’à la maison et y mit le mort ; le deuxième fut apporté jusqu’à la chambre, et pour le troisième, l’ouvrier aida à y placer le cadavre et le cloua. Depuis, on n’eut plus de peine à trouver des hommes pour transporter les corps à l’Eglise et au cimetière.
Chaque fois que nos soeurs paraissaient dans un village, le fléau cédait un peu. Partout, elles montrèrent un dévouement au-dessus de tout éloge, au point que lorsque M. le Sous-Préfet exprima le désir de décerner une médaille à la plus dévouée, il fut impossible de faire un choix. Personne n’eut de médaille et toutes furent contentes.
A la suite des précédents récits envoyés de l’hospice de Sainte Ménehould à la Maison Mère, nous trouvons la lettre suivante :
« En 1860, notre chère Mère Mechtilde me fit la grâce de m’envoyer soigner, à Sivry sur Ante, toute une famille atteinte de la fièvre typhoïde. C’était la famille Person, dont deux filles étaient à Saint Charles. Une jeune femme, son mari, les quatre fils et une jeune fille étaient au lit avec la fièvre. C’était déchirant de voir la mère aller de l’un à l’autre pour leur dire adieu ; je lui promis qu’ils ne mourraient pas. Il fallait du courage, le bon Dieu m’en accorda, personne ne voulait veiller, et chacun, en passant devant cette maison se couvrait la bouche.
M. le curé avait donné une relique de la vraie Croix ; elle était dans la chambre des deux plus malades. Que de fois j’ai arrosé cette relique de mes larmes brûlantes, suppliant Dieu d’accepter ma vie et de ne pas permettre qu’un seul membre de cette famille mourût ! Plusieurs d’entre eux reçurent les sacrements avec une grande foi, car la famille était très chrétienne. La domestique tomba malade à son tour et retourna chez sa mère qui demeurait au village ; j’allai la voir ; elle était littéralement noire de la fièvre qui s’était déclarée dans toute sa force et avec complication ; elle se trouvait en outre dans la dernière misère. On vint à son aide, tout le village adressait au ciel de ferventes prières et faisait fréquemment le chemin de la Croix. Aucun des malades si dangereusement atteints ne mourut. Je suis restée vingt-quatre jours avec ces pauvres gens. »
Comme à l’époque du typhus de 1813-1814, plusieurs soeurs payèrent de leur vie le dévouement qu’elles montrèrent en soignant les malades atteints du choléra. Nous avons nommé, au cours de ce récit, la plupart de ces martyres de la charité.
Bibliographie : Histoire des Soeurs de St Charles - NANCY