Chaque année, le 15 août, la ville de Sainte-Ménehould est en fête. Elle honore sa sainte patronne Marie, mère du Christ. Un feu d’artifice réunit la population sur la place de l’hôtel de ville, pour ponctuer cette journée de liesse. Mais, selon l’archiprêtre MARTIN, en fonction en 1892, il s’agit d’une méprise. La véritable patronne de la ville serait Sainte-Ménehould. Laissons lui la parole :
« Il importe de bien distinguer entre la Patronne de la ville et la Patronne ou Titulaire de l’église. Le Patron d’un lieu est le saint protecteur de la localité, et le Patron ou titulaire d’une église est le saint sous l’invocation duquel cette église a été bénite ou consacrée.
L’église paroissiale de Sainte-Ménehould n’a jamais eu pour titulaire ou patronne particulière sainte Ménehould : nous en avons donné la raison, la place était prise par la Vierge Marie, aussi l’appelle-t-on l’église, la paroisse de Notre-Dame-de-Sainte-Ménehould, et l’Assomption est la fête patronale de cette église ; mais, par contre, jamais l’Assomption n’a été et ne saurait être la fête patronale de la ville ; c’est la fête de sainte Ménehould au 14 octobre, car Sainte Ménehould seule est Patronne de la ville. En voici les preuves. J’en emprunte la clef au Révérend Père LE VAVASSEUR, auteur de liturgie, qui jouit d’une autorité incontestée et je le confirme par les faits de l’histoire.
1 - « Lorsqu’une localité porte le nom d’un saint, c’est une présomption en faveur de sa qualité de Patron », et le Père LE VAVASSEUR cite à l’appui de sa proposition une réponse de la sacrée Congrégation des Rites en date du 18 mai 1883. Or, la ville de Sainte-Ménehould n’a point d’autre nom aujourd’hui que celui de la Bienheureuse. Nous avons constaté plus haut qu’elle n’en avait pas d’autre non plus au XIVe siècle. Les écrits des XIIIe, XIIe et XIe siècles, qui ont occasion de mentionner notre pays, tels que les Cartulaires de Chaudefontaine, de Châtrices, d’Orbéval, etc..., et les Annales de Verdun ne parlent pas autrement ; ils disent toujours : la ville de Sainte-Ménehould, le château de Sainte-Ménehould, les gens de Sainte- Ménehould. Jean de Saulx nous déclare que « dès sa première institution et fondation, cette ville a été nommée et classée du hault et noble nom d’ycelle sainte Vierge Manehould ». Conforme à cette opinion, la légende nous a montré la ville de Sainte-Ménehould prenant son nom, du vivant même de la Bienheureuse, sur la langue de ses contemporains [1].
Suit l’énumération des situations critiques où Sainte-Ménehould fut sollicitée pour assurer la protection des habitants (siège, peste ...)
2 - « Les patrons des villes et autres localités doivent être élus du consentement général de ces villes et localités à titre de protecteurs et gardiens du pays » - Aucune de ces deux conditions ne faisait doute pour les siècles antérieurs au nôtre. « Bref, dit TESTENOIRE [2] dans les conclusions de l’un de ses éloges de la sainte, toute nostre ville l’a choisy comme sa patronne et protectrice pour l’invoquer en ses nécessités ».
3 - « En outre de l’élection du Patron par le peuple, on requiert le consentement du clergé et de l’évêque et la ratification en cour de Rome » - Supposé que ces formalités n’aient point été remplies de prime abord, il n’y a plus de doute à partir du XIVe siècle. Entendez l’auteur de la Vie de la glorieuse sainte Manehould : « l’an de notre salut 1379, dernier du règne de Charles V, dit le Sage, le quatorzième jour du mois d’octobre, le Révérendissime Père en Dieu, Monseigneur ARCHAMBAULT, qui tenoit le siège épiscopal en la ville de Chaalons, ordonna par authorité pontificale et commanda que la feste de cette saincte fut célébrée tous les ans solennellement tant du clergé que de tout peuple de son diocèse ». C’est bien spécifié par authorité pontificale, per autoritatem pontificalem, c’est-à-dire en vertu des pouvoirs concédés à l’Evêque par le Souverain Pontife pour la circonstance.
4 - C’est une fête d’obligation ou de précepte pour la localité. - « Encore bien, continue notre précieux historien, que quasi dans tous les lieux de ce diocèse, on ait dérogé au commandement qu’avoient fait jadis nos évêques de Chaalons, de célébrer encore aujourd’huy solennellement en l’esglise de Saint-Urbain et signamment en la nostre ».