Qui sait encore aujourd’hui pourquoi la piscine de Sainte Ménehould s’appelle Pierre Foucault ? Demandez aux utilisateurs fort nombreux qui fréquentent cet établissement sportif de plein air, que l’on dit depuis longtemps à bout de souffle, d’où vient le nom patronymique de la piscine ? Vous n’obtiendrez, j’en suis sûr, aucune réponse. Essayons de remédier à cela.
Lors de sa deuxième mandature, à la fin des années 60, l’équipe Lancelot décida de profiter d’un programme national intitulé « mille piscines pour la France » pour réaliser ce qui fut considéré à l’époque comme un magnifique équipement. Lorsqu’il a fallu lui donner un nom, le conseil municipal opta pour « Pierre Foucault », citoyen ménéhildien décédé quelques années auparavant. Mais pourquoi ? Qui est cet inconnu ?
Un vrai sportif.
On pourrait dire un grand sportif né à Sainte Ménehould en 1902 place d’Austerlitz.
En 1922, il a donc vingt ans, il fait l’ascension du Mont-Blanc, et à cette époque, c’était, pour un non-montagnard un exploit. Beaucoup plus tard, en 1950, il décide de se rendre en pèlerinage à Rome. Et il va s’y rendre pieds nus ! Le voyage durera un mois. Il n’est pas nécessaire de préciser que c’était un fervent catholique. Mais la prédilection qui lui vaut d’être encore aujourd’hui à l’honneur, c’est son goût pour les sports nautiques.
Excellent nageur, il fonde en 1927 la « Société Nautique », là où est actuellement située la piscine. En bord de l’Aisne, des installations en bois, ponton, vestiaire, permettent de goûter aux plaisirs de la baignade, mais aussi de la navigation sur des périssoires, frêles embarcations de bois allongées et à fond plat, propulsées au moyen d’une pagaie double. C’est leur stabilité bien faible qui leur a valu ce nom sinistre. Cela n’émouvait pas André Foucault puisqu’il avait l’habitude de partir « en croisière » sur les fleuves et canaux de France sur ce frêle esquif. Il souhaita faire partager sa passion à ses enfants et leur fit fabriquer leur propre périssoire. La Nautique comme on disait alors, regroupait en grande majorité les jeunes de la bourgeoisie locale qui payaient cotisation. Les moins fortunés fréquentaient des installations similaires « à la Grelette », un peu en amont, mais gratuites et sans périssoires. Le secrétaire de la Nautique était le tout jeune Robert Lancelot futur maire de la ville.
D’autres cordes à son arc.
Tout d’abord, il faudrait dire à sa contrebasse, puisqu’il était membre de l’harmonie municipale. Nous avons publié dans le n°11 (février 2001) une photo de l’harmonie prise en 1945. Il y figure au dernier rang, mais son instrument, lui, est au premier rang.
Elu municipal, il est nommé en 1944 dans ce que l’on appelle « Conseil municipal d’après guerre ». C’était un brevet de conduite irréprochable durant l’occupation. Il sera élu en 1947, reconduit pour trois mandats consécutifs et exercera la fonction de rapporteur de la commission des finances. Il ne se représentera pas aux élections de 1959 dont nous parlons par ailleurs dans ce numéro.
Il crée avec André Husson, vétérinaire et Maurice Jaunet une section de « Sauveteurs an Asphyxie ».
Un commerçant reconnu.
Le virus du commerce lui avait été transmis par son père. Léon Foucault tenait le « Grand Bazar d’Austerlitz », sur la place du même nom. C’est à cet emplacement que bien plus tard s’ouvrira le « Prisunic ». On voit d’ailleurs encore sur le mur des inscriptions précisant les produits en vente : meubles, mode, jouets, articles de voyage
Lorsqu’il se marie en 1928, il crée son propre commerce de confection rue Chanzy, là où plus tard Mr Hammer tint un même commerce(aujourd’hui, magasin Gitem).
Très rapidement il est nommé juge suppléant du tribunal de commerce en 1933, puis titulaire en 1946. Il remplit même les fonctions de Président du tribunal durant toute l’année 1951, le président titulaire étant empêché. C’est dans la tenue de cette fonction qu’il s’est plu à être photographié par le studio Carlier, situé où est actuellement le Point Vert. Il fut également juge suppléant au tribunal d’instance de Sainte Ménehould.
Un amoureux de l’Argonne.
Oui, c’était aussi et peut-être avant tout un amoureux de la nature et de l’Argonne. Ainsi il se rendait chaque samedi au « bout du monde » à Bellefontaine où il avait acquis une maison. Le dimanche, femme et enfants l’y rejoignaient. Mais pour ce déplacement, pas question de sortir la voiture. On devait s’y rendre à pied, aller et retour.
Cette vie dense s’arrêta d’une façon précoce en 1960. Il avait 57 ans. Si on ne veut pas sombrer dans l’hagiographie [1] , on se doit de dire que ceux qui l’on connu, s’ils louent son engagement exceptionnel dans la vie de la cité, n’oublient pas de dire que c’était un homme rigide, autoritaire en famille et pas toujours chaleureux. Enfin comme chacun de nous, des petits défauts pour tempérer ses grandes qualités.