La commune de Villers-en-Argonne fut le théâtre de combats acharnés en juin 1940 et fut même détruite par les bombardements et les incendies. Les hommes du 2ème bataillon du 21ème Régiment d’Infanterie Coloniale y combattirent un ennemi nettement supérieur en nombre et en matériel.
Voici le rapport du commandant VARRIER, Chef du Bataillon :
Le 13 juin 1940, le 2ème Bataillon du 21ème Régiment d’Infanterie Coloniale est installé défensivement au Nord, à l’Ouest et au Sud de Villers-en-Argonne. Il a mission d’interdire : l’accès à la forêt de l’Argonne, la route de Villers à Passavant, la trouée au sud de Villers-en-Argonne.
Son front s’étend sur trois kilomètres : P.C. du Bataillon à Villers-en-Argonne - P.C. du Régiment à la ferme Montdésir (Ouest de Passavant).
Les 11 et 12 juin, les habitants ont évacué Villers-en-Argonne. Le 13 juin matin des villages au Nord, Nord-Ouest et Ouest de Villers brûlent. Le Colonel commandant le Régiment communique que le front pré-existant a été enfoncé. L’ennemi va se présenter sous forme d’éléments motorisés. En conséquence, barrer tous itinéraires. Le Commandant du 11/21ème R.I.C. a pris ses dispositions, ses unités sont en place : barrage des rues, des routes, mise en place des armes automatiques et anti-chars (cinq canons de 25, quatre canons de 75), terrassements, abris sont faits en vingt-quatre heures.
Le Chef de Bataillon effectue personnellement, le 13 juin, deux reconnaissances en avant de Villers : à 11h30, en auto en passant par le village de Ante, à 13h30, en moto, à la station de Villers (1 kilomètre ouest du village). A 14h30, des engins blindés ennemis tentent des infiltrations. Deux des engins sont brûlés et mis hors de combat par un canon de 25 du Bataillon, devant le front de la 7ème Compagnie (Capitaine ALLEGRINI), route de Ante, à Le Chemin. Nous faisons un prisonnier blessé, prenons des papiers qui sont acheminés sur le P.C. du Régiment, les autres occupants brûlent dans les voitures. Le contact est pris avec l’ennemi.
Une compagnie, commandée par le Capitaine MARCHENOIR du 18ème Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique est mis à ma disposition, dans la nuit du 13 au 14 juin, pour renforcer la face Ouest de Villers. Jugeant sur place de la situation, je décide de lui faire prendre position face au Nord et personnellement, l’installe sur le terrain. Je veux éviter l’encerclement. Cette unité tiendra les lisières Nord de Villers. Cette décision est heureuse puisque par ses feux, elle va empêcher, au cours de la journée du 14 juin, la progression de l’adversaire par le Nord du village.
Le 13 au soir, il n’y a plus d’éléments amis devant nous. Le 14 matin, des mouvements ennemis sont observés devant le front du Bataillon. Le contact avec l’Infanterie de l’adversaire est sur le point de se produire. Le Bataillon est prêt, cadres et troupes attendent l’ennemi, confiants dans leur force, leur discipline, leur volonté de vaincre. Le 14 juin, à 13 heures, les avions ennemis, volant en rase-mottes, mitraillent les positions du 11/21ème R.I.C. et le village de Villers. A 13h45, l’ennemi, se rendant compte d’une résistance sérieuse devant lui, déclenche un bombardement d’une extrême violence sur les positions du Bataillon. Qu’importe, malgré les pertes causées par l’Artillerie, le 11/21ème R.I.C. tient courageusement sous la mitraille.
Les premiers obus ont mis le feu au village, qui sera complètement détruit quelques heures après le bombardement et incendié. Cette formidable préparation d’artillerie dure une heure et demie.
Le Chef de Bataillon prévient ses unités d’une attaque imminente ; il rappelle à tous la discipline du feu, interdit de déclencher les tirs avant l’attaque de l’adversaire, qui, à ce moment, se déplace à 800 mètres - 1 kilomètre devant le front du Bataillon, en utilisant les couverts. Vers 15 heures, l’ennemi, en chantant et criant, attaque toutes les positions du 11/21ème R.I.C. Son gros effort se produit à l’Ouest du village, sur la 5ème Compagnie (Capitaine CHARVET) et sur le 6ème Compagnie (Capitaine PAGANEL), au Sud. En même temps, il pousse des infiltrations à travers bois, sur les ailes du Bataillon, tentant ainsi un encerclement de la position.
Les unités du 11/21ème R.I.C., avec un sang froid remarquable et une calme bravoure, supportent le choc. Lorsque l’ennemi est à 200 mètres, 120 mètres, 100 mètres, en certains points des positions plus près encore, elles ouvrent un feu violent de mitrailleuse, de fusils-mitrailleurs, grenades V.B., grenades à main et engins d’accompagnement. L’assaillant subit des pertes très sévères. Avec beaucoup de cran et de mordant, il renouvelle ses attaques, pendant plusieurs heures, mais ses pertes sont de plus en plus lourdes. Malgré les moyens puissants mis en action (forces très supérieures en nombre et en matériel : artillerie, mines, aviation, rafales d’armes automatiques), il n’arrive pas à mordre dans le dispositif du Bataillon. Il poursuivra ses assauts jusque 18 heures, mais en vain.
Le bombardement de nos positions et les assauts répétés de l’adversaire causent des pertes au Bataillon, mais celles qui sont infligées à l’ennemi sont très sérieuses, en particulier devant le front de la 5ème Compagnie (Capitaine CHARVET), où on estime que 200 hommes de troupes assaillantes ont été mis hors de combat. Devant notre réaction et nos contre-attaques, l’ennemi ne peut entamer notre dispositif. Il se replie et est contraint de se terrer. Dès lors, son élan peut être considéré comme brisé. Il est 18h00 - 18h30.
Au cours de l’attaque, le Commandant du 2/21ème R.I.C. a demandé l’appui de l’Artillerie. Une Batterie de 75 et de 155 ont pu donner leur appui. Leur tir a été efficace. L’ennemi n’est pas passé, nous l’avons dominé, tenu en échec.