Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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La rubrique de Jeannine CAPPY

Le temps des cerises ...

   par Florence Cariou, Jeannine Cappy



C’est aussi celui du clafoutis, cet entremet si simple et si délicieux. A l’origine, il s’agissait d’un flan aux cerises. Mais, au fil des temps, l’imagination des cuisinières l’a modifié, transformé, a inventé de nouvelles recettes, les ingrédients de base communs à toutes, restant : les cerises, le lait, les œufs. Voici trois de ces recettes très locales.
Le clafoutis « Grangeois » (Recette communiquée par Janine LEHEBEL)
- 3 œufs - ¼ de litre de lait - 100 grammes de farine.
- 3 cuillerées de crème fraîche, ou un peu de beurre fondu.
- 1 pincée de sel - un peu de sucre.
- 1 kg de cerises noires.
Mélanger les œufs, le sucre, le sel, la farine. Délayer avec le lait. Ajouter la crème ou le beurre, puis les cerises, non dénoyautées. Beurrer un plat en terre. Y verser la préparation. Cuire à four préchauffé thermostat 6 (175° environ), pendant une heure (surveiller la cuisson).
Autre clafoutis « Grangeois », ascendance Florentine. (Recette communiquée par Florence CARIOU, dont les grand-parents Monsieur et Madame CHAUFFERT, habitaient La Grange-aux-Bois, et les arrières grand-parents, Florent en Argonne.)
- 4 jaunes d’œufs - ½ litre de lait - 200 grammes de farine.
- 150 grammes de sucre - un peu de sel.
- 750 grammes, environ, de cerises noires non dénoyautées.
Mélanger les jaunes d’œufs, le sel, la farine. Délayer avec le lait.
Verser le mélange dans un plat en terre bien beurré, mis à chauffer sur feu vif. Quand le fond commence à prendre, ajouter les fruits saupoudrés du sucre. Cuire une heure au four. Un petit « truc » de la cuisinière : pour éviter que la farine ne tombe au fond du plat, en formant une sorte de « béton », faire chauffer le lait avant de l’ajouter au mélange œufs - farine.
Le clafoutis de Passavant (Très ancienne recette du début du siècle, communiquée par Monique BARBORIN.)
Faire bouillir un grand bol de lait (environ ½ litre), après avoir cassé dedans trois pains au lait rassis. Ajouter quatre cuillères de sucre, deux cuillères d’eau de vie, quatre jaunes d’œufs, une bonne livre de cerises dénoyautées et les blancs battus en neige. Beurrer un plat en terre assez grand et mettre cuire à four moyen de trois quarts d’heure à une heure.
Il existe bien d’autres variantes : le « courrier des lecteurs » est là pour accueillir les vôtres, ainsi que vos remarques et appréciations.
Outre les clafoutis, les cerises sont la base de beaucoup d’autres « douceurs » : tartes, gâteaux, confitures, fruits à l’eau de vie. A Florent, elles étaient distillées pour produire du kirsch. Mais quel régal, surtout, de les déguster fraîchement cueillies, mûries à point sur l’arbre. Savoureuses, vitaminées, réhydratantes, diurétiques, dépuratives, apéritives, riches en fibres, ... Qui dit mieux ? Le large éventail des variétés a de quoi satisfaire tous les goûts :
- Les guignes, douces, tendres, sucrées, et les bigarreaux, fermes et croquants, sont issus de nos merisiers des bois, aux fruits rouges, noirs ou blancs.
- Les cerises aigres et griottes seraient originaires d’Asie Mineure. D’après la légende, c’est LUCULLUS, Général Romain, qui les aurait rapportées du Royaume du Pont, où il était allé combattre en 64 avant Jésus Christ. Les oiseaux, grands amateurs de cerises, se seraient chargés de leur dispersion à travers toute l’Europe.
Dans notre Argonne, « La Grange-aux-Bois » était surnommé « le village aux cerises ». Bigarreaux blancs, rouges, noirs, coeurs, guignes, cerises aigres (Clermonne, Belle de Prin, ...) étaient source d’un commerce très actif. On trouvait aussi la guinette, petit fruit rouge sombre, croquant, sucré et très précoce, la petite cerise noire à clafoutis et une autre petite cerise noire, qui tâchait tellement que personne n’en voulait : elle était utilisée en teinturerie !
Dès le mois de juin, la cueillette commençait et elle n’était pas de tout repos. Les échelles, mesurant jusqu’à douze mètres, étaient solidement « étançonnées » pour les empêcher de glisser et atténuer ainsi le ballant. Malgré les précautions prises, les accidents n’étaient pas rares et ils étaient quelquefois graves.
Certains cerisiers atteignaient vingt-cinq mètres de hauteur. On doublait alors les échelles, en en ficelant deux solidement l’une au bout de l’autre. Sur chacun de ces grands arbres, il était courant de récolter de sept à huit cent kilos de cerises, et même une tonne, les bonnes années.
Dès le lever du jour, les cueilleurs commençaient leur première « échieulée » (quantité de cerises cueillies de bas en haut, sans changer l’échelle de place). Les fruits étaient déposés dans un panier, accroché à un barreau, ou à une branche. Les paniers remplis étaient aussitôt descendus et vidés délicatement dans des cageots rangés à l’ombre. Dès que l’échieulée était terminée, on déplaçait l’échelle en tournant autour de l’arbre, de façon à n’être jamais au soleil.
Le déjeuner se prenait sur place. On imagine aisément les jolies cueilleuses, décorées de « pendants d’oreilles » et « rouges comme des cerises », car il faisait souvent très chaud. Mais « quelle guigne » quand la pluie compliquait le travail ! Un grand feu était le bienvenu. Le « patron » venait, généralement le soir, chercher les cageots et les pesait en présence des cueilleurs. Ramasseurs, grossistes, confituriers se pressaient pour acheter les cerises - aussitôt expédiées par camions aux wagons entiers vers les grandes villes (Reims - Paris), l’Allemagne, l’Italie ou l’Angleterre.

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