Puis, l’après guerre...

Ces cinq années terribles n’ont pas émoussé le besoin d’action d’Henri et sa passion pour les avions.
Dès son retour à Nouméa, il se fixe un objectif : moderniser rapidement la Calédonie et l’ouvrir au tourisme. Il s’attache à l’amélioration des routes, au développement des liaisons aériennes.
En 1954, aidé par quatre téméraires comme lui, il crée la première société calédonienne de transport aérien, la Transpac, dans le but d’organiser des liaisons
régulières entre Nouméa, l’île des Pins [2] et les Loyautés.
C’est un véritable défi, car personne en 1954, ne croit à la rentabilité de la Transpac .
Le premier appareil fut un « Haviland » baptisé « Dragon Rapide ». Joli nom pour un appareil qui ne dépassait pas les 200 km heure !
Si les avions amènent des touristes, il faut bien des installations pour les accueillir ! Qu’à cela ne tienne, Henri se fait bâtisseur. En 1957, il crée une société hôtelière « le Relais du Capricorne » qui se développe à mesure de l’augmentation du nombre de passagers amenés par des avions qui font désormais des rotations régulières et plus fréquentes. Un premier hôtel voit le jour à l’Ile des Pins sur un terrain loué, car, ici, seuls les mélanésiens sont propriétaires des terrains.
Mais Henri ne perd pas pour autant le goût de l’inédit ! Son épouse, France, sportive accomplie, aussi passionnée d’aviation et d’aventure que lui, est toujours prête à le suivre dans ses projets les plus fous. Comme par exemple, d’aller de Nouméa à l’Ile des Pins en pédalo, soit 110 km, avec les requins comme accompagnateurs. L’engin destiné à l’hôtel aurait pu être livré par un transporteur, mais ça aurait manqué de panache, non ? Le trajet dura 2 jours et demi et demanda 19 heures de pédalage. Lourdement chargé par le matériel indispensable du parfait campeur, le pédalo n’avançait que lentement. Ils firent escale sur les îlots qui jalonnaient leur chemin. Un arc de triomphe attendait les risque-tout qui furent fêtés comme il se doit.
Ménehould, serait-elle la sainte patronne des pédaleurs ? Un autre ménéhildien, Yvan Desingly, s’est aussi illustré bien plus tard en battant des records sur pédalo.
D’autre part, chaque année en octobre, ils allaient seuls, France et lui, fêter l’anniversaire d’Henri sur l’îlot Beautemps-Beaupré. Cet atoll minuscule, situé tout au nord des îles Loyautés, à plus de 300 Km de Nouméa n’est accessible que par la mer, et encore pas par tous les temps. Il faut, de plus, être muni d’une autorisation pour y séjourner.
Ils partaient trois ou quatre semaines. Le voyage s’effectuait en Zodiac [3] , toujours au milieu des bandes de requins... Il fallait tout emmener : vivres, eau, médicaments, outils, tente et couchage. Les noix de coco, langoustes et poissons abondaient sur place et complétaient l’ordinaire.
Ces voyages n’ont pas toujours été de tout repos. Fuite d’essence, explosion à bord, incidents divers les ont pimentées de temps en temps.
Qui sait, d’ailleurs, si le choix de cet îlot n’est pas un clin d’œil à son Argonne natale ? Henri, très cultivé, ne devait pas ignorer l’existence de l’hydrographe argonnais Charles de Beautemps-Beaupré [4] , originaire de La Neuville au Pont, village situé à 5 km de Ste Menou.
L’île d’Heo fut baptisée « Beautemps-Beaupré », du nom de son découvreur, dans la tradition colonialiste de l’époque qui ignorait la toponymie mélanésienne. Cet îlot faillit être le tombeau de l’expédition d’Entrecasteaux (1791-1793), envoyée à la recherche de Lapérouse. Le bateau « La Recherche » à bord duquel Charles de Beautemps“Beaupré avait embarqué faisait partie de cette expédition.
A suivre, dans le numéro 51, la suite des aventures d’Henri Martinet...