Les habitants du quartier du Château avaient toujours manqué de puits et étaient obligés de descendre dans la ville basse pour se procurer de l’eau. Dans les faubourgs se trouvaient des fontaines dont une seule subsiste : la Fontaine des Bons malades, route de Chaudefontaine.
En 1749, l’abbé Royer, curé-doyen de la paroisse, fit même construire un puits très grand et très profond, à ses frais, dans la grande rue du Château. L’eau que l’on en tira ne fut jamais très potable. C’est ce puits que les Seniors ont connu et que nous montrent les cartes postales anciennes. Triste destin, il fut, dans les années 60, entièrement démonté.
Un de ces puits du quartier avait été creusé en dehors de la clôture du cimetière, à l’époque où celui-ci était bien plus petit qu’aujourd’hui, quand la butte était encore une forteresse Mais le cimetière s’agrandissait d’année en année et le puits y fut enclavé, ce qui fit que les habitants répugnèrent à y aller puiser de l’eau. On oublia le puits qui ne fut pas comblé, mais seulement couvert de bois et de pierres
Et ce qui devait arriver arriva
Un jour, des fossoyeurs qui ignoraient toute l’histoire du quartier creusèrent une fosse Comble de malchance, ce fut à l’endroit précis où le puits avait été en partie comblé.
Tous étaient là, la famille éplorée, les amis, le clergé en tête, autour de la fosse. On descend lentement le cercueil, les cordes crissent, la famille pleure, le curé fait son discours dont les paroles s’envolent dans le vent Un dernier regard, une dernière larme, une ultime prière le cercueil est à sa place pour l’éternité, enfin, le croit-on, car tout à coup retentit un grand bruit de bois qui se rompt, de pierres qui tombent, le tout suivi d’un silence menaçant et d’un grand fracas sourd qui semble sortir des profondeurs de la terre L’épouvante s’empare alors des uns et des autres : la famille fuit en désordre à travers le dédale des tombes, la veuve court en tenant son chapeau noir, les fossoyeurs abandonnent pelles et pioches, les enfants de chœur trébuchent dans leur robe, et le curé peine à quitter cet endroit maudit en tenant sa soutane d’une main et son bréviaire à peine refermé de l’autre pour se réfugier dans l’église et dans la prière
Cela s’est passé comme cela, ou presque C’était au milieu du XVIIIème siècle. Alors chance ou malchance ? Car les fossoyeurs pouvaient remercier le ciel de n’être eux-mêmes tombés dans le puits Quant au pauvre défunt dans son cercueil en vrac, le chroniqueur ne dit pas s’il a passé sa vie éternelle au fond de la butte du Château
Source : Buirette « Histoire de la ville de Sainte-Ménehould », page 443.
Adaptation : John Jussy.