
Plus ou moins nombreux suivant les époques, les loups étaient encore très présents en Argonne à la fin du 19ème siècle. Depuis lors, systématiquement chassés, exterminés par tous les moyens, ils avaient presque complètement disparu de nos forêts dans les années 1920.
Ces animaux sauvages faisaient très peur. Tant de récits terrifiants couraient sur leur compte ! Pourtant, ils se tenaient habituellement au plus profond de la forêt, loin des lieux habités. On sait aujourd’hui que les attaques délibérées contre les humains étaient le fait de loups enragés et cette raison est probablement la seule.
Malheureusement, dès que « la faim les faisait sortir du bois » ils avaient une fâcheuse tendance à confondre les animaux domestiques [1] avec le gibier qui leur faisait défaut. Ils se rapprochaient alors des villages et dévoraient sans vergogne bétail, volaille, tout ce qui leur tombait sous la dent, causant ainsi un grave préjudice aux paysans.
Les Argonnais et les loups...
Il est à peu près certain que nos anciens, habitués au voisinage des loups devaient bien s’en accommoder et ne les craignaient pas autant qu’on l’a dit. Ils préféraient souvent les éviter [2] que les combattre !
Ils connaissaient leur nature craintive et savaient bien que les bruits insolites ou la lumière les effarouchaient. A Florent, il se raconte encore comment les femmes les chassaient à grands coups de torchons quand ils s’approchaient trop près. Et en cas de rencontre inopinée, crier ou chanter fort suffisait à les éloigner ! Il était aussi recommandé de ne jamais leur tourner le dos.
Toutefois, pour aller travailler en forêt ou pour voyager, on prenait tout de même quelques précautions : emporter de vieilles casseroles par exemple pour faire du tintamarre ou encore un peu de nourriture qu’on leur jetait, sorte de droit de passage...et sans oublier les lanternes dès qu’il faisait nuit.
Il existait des moyens plus sophistiqués, sinon plus efficaces, pour se protéger ! Comme s’enduire le corps de mixtures fabriquées suivant des recettes « de bonne femme », ou le recours à la magie noire et à ses rites qu’on disait infaillibles, ou encore aux incantations : on implorait Saint Georges ou Saint Loup, sachant fort bien que Dieu leur avait délégué des pouvoirs dans ce domaine.
On plantait aussi des lopins « d’herbe à loups », censée les faire mourir [3]. A l’entrée de certains villages, pour les dissuader d’approcher, on pendait à des branches d’arbres des cadavres de leurs congénères tués. Est-ce là l’origine de la « Côte des loups pendus » à Moiremont ?
La chasse aux loups
Dès que les loups signalaient leur présence par quelque larcin, une battue était généralement organisée, mais souvent, sans beaucoup de résultats ! En effet, l’organisation n’en était pas simple, non plus que la coordination. Il fallait réquisitionner de nombreuses personnes, pas toujours très motivées et on y tuait quelquefois plus de sangliers et de renards que de loups ! Certaines raisons étaient beaucoup plus terre à terre, comme celle-ci :
« En Meuse, une bande de 6 à 7 loups fut poursuivie aux environs de Verdun en 1908. Ils avaient fait bombance de cadavres de bovins. La battue ne donna aucun résultat, bien que les animaux, littéralement gavés, ne pussent se traîner. La rumeur publique affirma que les chasseurs se trouvaient dans un état semblable, ayant fait au préalable un repas bien arrosé pour se donner du coeur à l’ouvrage. »
La chasse à courre, plus folklorique, qu’efficace, avait l’avantage de joindre l’utile à l’agréable. Plus simplement, de nombreux prédateurs étaient détruits par des chasseurs isolés.