Pendant la grande guerre, les soldats, qu’ils soient français ou allemands, écrivaient, souvent des lettres, qui deviennent alors des témoignages, parfois, des poèmes. Chaque ligne retrace la souffrance de ces hommes dont les tranchées, qu’un officier allemand nomme « terrier », étaient l’univers. Roger Berdold, président du comité franco-allemand, nous livre deux de ces écrits.
Lettre d’un officier allemand, trouvée dans une tranchée reprise par les français
en juillet 1915.
Ma chère Trudel,
Ce sont peut-être les dernières lignes que tu recevras de moi. La situation est véritablement désespérée. Depuis ce matin 7 heures, feu ininterrompu de l’artillerie. Dans notre secteur, d’une superficie de 100 mètres sur 100 mètres, nous avons compté quelque chose comme 8 000 obus. Le bombardement, lors de la bataille de Champagne, n’était pas moitié aussi intense qu’ici ! En outre, nous occupons des postes complètement isolés. Depuis hier matin, de bonne heure, nous n’avons plus rien eu à manger ni à boire.
Par-dessus le marché, les bandits ont aussi commencé à faire exploser des mines. A cela, il faut ajouter que nous n’avons pas la moindre idée, dans notre terrier, de ce qui se passe en général en dehors. Nos réseaux de fils de fer ne doivent plus exister. Il est toutefois extraordinaire que les français n’aient pas encore attaqué. Mais ce qui n’a pas eu lieu peut encore venir.
Maintenant, nous ne sommes plus que onze hommes dans notre terrier et nous attendons les évènements. Il est encore possible qu’ils enlèvent tout notre nid et qu’ils nous fassent prisonniers. La tranchée n’est plus qu’un tas de débris ; il n’y a plus de communications.
Cette lettre n’a pu être terminée par l’officier allemand.
- - - - - - - - - - - -
C’est fini ! Mon corps n’est plus qu’une machine
Qui hurle et qui rampe et qui baisse l’échine !
Et..qui crache,
Qui frappe, qui cingle et qui cravache !
C’est la guerre ! Entendez-vous, la Guerre !
Ils sont là par milliers, immense cimetière !
Mais voici que le silence devient profond ;
Les canons se sont tus, et là-bas, l’horizon
Semble teinte de rose et signale l’aurore.
La nuit bientôt s’achève. L’on aperçoit encore
Les étoiles pâlies, tels de petits diamants.
Elles semblent des veilleuses pendues au firmament !
Le calme est revenu, revenue ma confiance ;
Et mon âme s’est rouverte aux grandes espérances !
Le jour, maintenant, découvre devant moi
La plaine de Malheur, la tranchée ennemie ;
C’est moi ! C’est nous ! Farouches d’énergie,
Nous sommes des poilus, l’avenir est à nous !
O vous ! Que nous aimons, nous travaillons pour vous.
A. Noez.
Ces pages de guerre ont été retrouvées par Mr Henri Rucelle dans sa maison en 1919.