Par décret du 10 juin 1873, la Convention Nationale avait autorisé le partage de tout ou partie des biens appartenant aux communes, et décidé de ses modalités. Ce décret est assez long puisqu’il contient 98 articles répartis en 5 sections, soit 22 pages, mais il demeure relativement simple.
Il définit d’abord les biens à partager : ce sont ceux sur la propriété desquels les habitants ont un droit commun, biens fonciers ou revenus de ceux-ci. Ils doivent être évidemment susceptibles de partage. En sont exclus les bois communaux sauf s’ils sont d’un rapport insuffisant, les parcelles considérées comme domaine public : places, promenades, voies, édifices, fossés, remparts, les pâtures communales, les mines, les carrières.
Les biens partagés sont attribués en toute propriété aux seuls habitants domiciliés, sans distinction d’âge, de sexe ou de profession. La jouissance des biens attribués aux mineurs de 14 ans appartient à leurs parents. En temps de guerre, les portions des mobilisés sont cultivées aux frais de la commune. Le ci-devant seigneur est exclu du partage s’il a usé du droit de triage. L’aliénation des biens partagés et leur saisie (sauf pour non paiement de l’impôt) sont interdits pendant une période de dix ans.
La procédure du partage (qui n’est pas facultative) favorise grandement les tenants d’une éventuelle dispersion des biens communaux. Une première assemblée de tous les citoyens majeurs décide de l’opportunité de ce partage. La délibération affirmative, acquise au tiers des voix seulement, irrévocable, est suivie de la nomination de trois experts et de deux indicateurs. Ceux-ci doivent fixer les lots, les borner, les numéroter, désigner les chemins d’accès dans le cadre toutefois, des chemins vicinaux existants, et dresser procès-verbal de leurs opérations. Une deuxième assemblée des habitants se réunit et les lots y sont tirés au sort par ordre alphabétique des copartageants. Un procès-verbal de partage définitif est établi à l’issue. Les contestations quant au mode de partage sont du ressort du directoire départemental, se prononçant sur simple mémoire, après avis du directoire du district, les autres réclamations (propriété, droits, usages, usurpation, etc) étant arbitrées par le juge de paix.
Tel est en substance ce décret du 10 juin 1793, dont l’application dans la commune de Minaucourt, allait durer vingt ans, de 1793 à 1813, après d’innombrables démarches, conversations et lettres officielles, qui constituent un volumineux dossier aux archives de la Marne
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Le patrimoine foncier de la communauté de Minaucourt s’étendait, avant le partage de 1793, sur une superficie de 65 ha 17 a 90 ca. L’habitude était à ce moment de les louer annuellement par devant le subdélégué à la ville de Sainte-Ménehould. Ces biens comprenaient des terres, des landes à moutons et plusieurs parcours le long de la Tourbe.
L’assemblée des habitants de Minaucourt se réunit en l’an II sans plus de précision. Elle décida irrévocablement à la majorité requise du tiers des voix, de partager 9 ha 65 a 60 ca de biens communaux, en pré-marais, d’un revenu annuel de 7 à 800 F situés aux lieudits :
- La grande culée : 38 a 66 ca
- La culée Marson : 31 a 21 ca
- La Géraude : 2 ha 53 a 16 ca
- Les neuf-prés : 4 ha 24 a 10 ca
- Presles : 73 a
- Les Oyses : 1 ha 45 a 47 ca
La population du village étant approximativement de 200 habitants, il revenait à chacun environ 5 ares dont 10 minimum par ménage puisque les enfants comptaient, ce qui n’était pas négligeable. La décision de principe étant prise, la communauté se rassembla à nouveau le 10 germinal an II (30 mars 1794) et commet trois experts au partage : Jean Noailles, Jean François Galichet et Jean Baptiste Macquart, ainsi que deux indicateurs. Les travaux sont rapidement menés car le 30 germinal (9 avril), on procède au tirage au sort des différents lots. Un procès-verbal est établi et signé J. Noailles, Président, Vincent officier, Champenois maire, C.L. Dez officier, Le Bon notable et Galichet. Il stipule : “qu’il seroit fait autant de tirages qu’il y avoit de sections et qu’à chaque tirage il seroit mis autant de bulletins dans un vase qu’il y avoit de chefs de famille, de manière que chaque individu qui tireroit auroit et lui appartiendroit autant de numéros qu’il avoit d’enfants .
La lettre du décret est bien respectée, mais la logique ne l’est pas. Ce procès-verbal se réfère à un autre, celui de la division des lots des prés à partager, mais cette dernière pièce, datée du 25 floréal (14 mai) est chronologiquement postérieure ! L’établissement des lots doit évidemment précéder leur attribution. Ce procès-verbal de division, signé des experts, sera enregistré au district le 26 prairial (15 juin) en même temps que la délibération du 10 germinal nommant les experts. C’est une absurdité qui sera à la base de la thèse d’illégalité soutenue plus tard par les opposants au partage.