Dans cette nouvelle rubrique, nous allons faire découvrir à nos lecteurs des écrits qui ont eu pour vocation de décrire un coin d’Argonne, un fait historique, une anecdote ayant trait à la région. Mais tous ces écrits ne sont pas toujours flatteurs. Preuve en est, ce premier exemple.
Visite des champs de bataille de l’Argonne :
C’est vrai, il y a eu un « tourisme » d’après-guerre, si l’on peut dire tourisme. Toujours est-il que dans les années 20, des gens venaient en Argonne par le train, descendant à la gare de Menou pour se rendre sur les champs de bataille.
Aussi furent édités des « Guides illustrés Michelin des Champs de bataille (1914-1918) » dont un numéro avait pour titre « L’Argonne ». Ce livret de 64 pages a été édité en 1919 ; il propose un itinéraire de 126 km au départ de Sainte-Ménehould. Voilà le début de cet itinéraire qui décrit les communes traversées :
Départ de Sainte-Ménehould par l’avenue Victor Hugo (N3)
La N3 passe à la Grange aux Bois qui tire son origine d’une maison et d’une grange devenues coupe-gorge, qui furent purgées des brigands en 1514.
De la Grange aux Bois on gagne Les Islettes (5km5).
Ce gros bourg est le cœur de la vallée. En 1789, le voyageur anglais Arthur Young le traitait « d’amas de boue et de fumier ». Depuis, le bourg s’est assaini et embelli, mais les chaumières y sont encore nombreuses. L’industrie de la verrerie, qui y fut jadis très active, est fort déchue.
Voilà une description qui a dû, à l’époque, faire plaisir aux habitants, même si l’on sait que la commune de la Grange-aux-Bois aurait pour origine une « maison et une grange servant à l’exploitation de quelques terrains récemment défrichés. Cet endroit, absolument éloigné de toute autre habitation, fut, dit-on, la retraite d’une bande de voleurs, qui détroussaient les passants à la Côte de Biesme, située près de là En 1515, Claude Toignel, seigneur d’Epense et de Bignipont, capitaine gouverneur de Sainte-Ménehould, devint, par donation du roi, propriétaire de la maison et de la grange » (Buirette, histoire de la ville, 1837).
Comme quoi il est difficile de se défaire de son passé
Le voyage de Victor Hugo :
Victor Hugo a traversé la région en 1852 et a passé une nuit à l’Hôtel de Metz à Sainte-Ménehould. Voici ce qu’il a écrit, en termes élogieux :
« De Sainte-Ménehould à Clermont, la route est ravissante. Un verger continuel. Des deux côtés de la route, un chaos d’arbres fruitiers dont le beau vert fait fête au soleil et qui répandent sur le chemin leurs ombres découpées en chicorées. »
Victor Hugo fait référence ici au plateau de la Grange aux Bois où les arbres fruitiers, dont les cerisiers, ont toujours été nombreux.
« Les villages ont quelque chose de Suisse ou d’Allemand. Maisons de pierre blanche, à demi revêtues de planches, avec de grands toits de tuiles creuses qui débordent le mur de deux ou trois pieds, presque des chalets ».
Puis Victor Hugo va décrire Les Islettes et la vallée de la Biesme :
« Un vaste cirque de collines, au beau milieu, un beau village presque italien, tant les toits sont plats, à droite et à gauche plusieurs autres villages sur des coupes boisées, des clochers dans la brume qui révèlent d’autres hameaux cachés dans les plis de la vallée comme dans une robe de velours vert, d’immenses prairies où paissent de grands troupeaux de bœufs ; et à travers tout cela, une jolie rivière qui passe joyeusement. »
La description de la vallée avec son habitat dispersé est très juste. Quant à la rivière, il s’agit évidemment de la Biesme.
Puis Victor Hugo va continuer par ces mots que l’on pressentait peut-être, vu la longueur de la phrase :
« J’ai mis une heure à traverser cette vallée ».
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Documentation :
- Guide illustré Michelin des Champs de bataille : 1919, Michelin et Cie.
- Victor Hugo, journaliste inconnu de Champagne Ardenne, de Eliane et Pierre Dassau, édité en 1985 par l’Office Régional Culturel de Champagne Ardenne.