Cette petite histoire manuscrite a été retrouvée et sortie de l’oubli par Patrick Desingly. Je l’ai retranscrite telle que. Je ne sais pas si le patois est correct. Elle est amusante et décrit bien le côté « nature » de l’époque.
Quand j’allins à la chasse, j’ddnins toujoue chu la Belle Titine, c’étot l’soubriquot d’la patronne qui t’not (tenait) ine pétite auberge, bin tranquille toute seule à la croisée d’trois routes.
J’étins toulà comme cheu nous. Titine avot été belle dal’ta : mais à c’t’heure, c’étot n’femme énorme r’luisante du graisse et d’sieur. Mais elle avot n’sacraé gouelle !
In jour, pas n’chaleur d’où diable, j’y arrivant à quatre pou dîner sans l’voie prévenue. La v’là aux cent coups. Elle nous dit :
-Bé, tas de verrats, j’ai dîné mi, i faut qu j’ma va tout de suite cheu l’percepteur et faire trauquate (trois-quatre) commissions. Vous v’débrouillerez bin tout seue. V’connaissez les agis (la maison). Vous r’oueterez d’a la maie et d’a l’buffet si gni quêqu’chouse à manger. Et la v’la partie avu s’nombrelle.
Après avoua réfléchi, j’nous an décidé faire ine salade au lard. N’y à n’est in qu’été qu’ri (chercher) d’la chicorée au jardin. J’navions pon d’pichalits. Ine aute et épluchie les canadas, ine aute été qu’ri d’on vin, pi l’quatriemme est mis la table. Mais nous fallot don lard. Après aoua bin cherchie partout et à force du r’nauchie partout,
j’a n’avans tout de même trouvé in morceau qu’étot censima caché da l’fond d’buffet pardrie (par derrière) des torchons. I’nvot mi l’air bin frais et on arot dit qu’il avot déjà servi, on s’sait mis à quoi.
Mais à la guerre comme à la guerre. J’n’etins mis des gens bin nareux. Je l’avons fait vit frire à p’tits chaillons da la poêle pie j’an mangé n’ot salade au lard que tout l’monde est trouvé boune avu in p’tit goût qui n’avot mi l’air naturel. J’avons complété not repas avec d’la saucisse, don fromage passé, don vin, l’café, la rincette et l’cigare.
Au soir quand la chasse été finie, j’ans r’passé comme d’habitude à l’auberge. La Titine vénotd’renter esquintée, toute fraiche de sueur partout. Elle nous dit : Vavez don fait n’salade au lard pour vous dîner. Bé, comma qu’vavez fait pour aoua d’on lard ? J’na nai seulma ine mitte (miette). J’le an dit que j’a n’avions trouvé in viu morciau d’a bas don buffet ta fait da l’fond.
Tout d’in coup, la v’la partie à rire comme elle étot d’venue folle à faisant hossie s’gros vate et ses nénets. Si v’l’aviez vue. Elle l’a n’avot les larmes aux yus ! Nous v’la estomaqués comme quate conauds. Au bout de dix bounes minutes, elle su rapaitris (reprise) in peu pie elle nous dit comme elle y pu avu det sanglots :
Ah ! sacrés verrats d’égouttants. V’vez mangié l’lard qui m’sevot à m’graissie entre les couisses quand j’avous l’froyon (une irritation).
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Dans « Contes, récits et légendes des Pays de France » rassemblés par Claude Seignolle, on trouve une petite histoire assez semblable, qu’en patois meusien on appelle « une fiauve », intitulée « le chon », « la tranche de lard ».
Des chasseurs arrivent dans un petit village. Point d’auberge. Ils entrent dans la première maison venue.
C’est chez le cantonnier. La fille est toute seule. Ils demandent à manger.
-J’ai des œufs, mais point de lard.
-Faites-nous une omelette.
Pendant que la fille va chercher un fagot, un chasseur tient la poêle ; l’autre, regardant partout, trouve sur une claie une tranche de lard bien gras, enveloppé dans du papier ; il la découpe ; on la fait cuire et on mange la bonne omelette.
Tout à coup, le chasseur dit à la fille :
-Pourquoi ne vouliez-vous pas nous donner le petit bout de lard que nous avons trouvé sur la claie ? Nous vous le paierons plus cher qu’il ne vaut.
-Ah ! Vous allez me faire disputer par mon père ; il a si mal aux pieds, et c’est avec cette tranche-là qu’il se les graissait tous les jours.