Un peu avant 1914, on vit apparaître les premières cuisinières et, à leur suite les premières lessiveuses à champignon. La lessive était versée dans le fond. On disposait le linge, bien à plat, dans la lessiveuse, puis on ajoutait de l’eau. En bouillant, elle remontait par le champignon qui la reversait en pluie circulaire sur tout le linge.
Dès lors, le rythme des lessives changea. Alors que l’on ne la faisait que deux fois par an, on passa à une fois par mois, puis avec l’apparition de la machine à laver et des nouveaux textiles à une fois par semaine voire plus. Les lavoirs furent désertés. Ainsi va la vie.
Bien sûr, je suis allée à la rencontre de femmes qui ont connu l’époque des lavoirs.
A Villers-en-Argonne, Agathe, Rolande et Marguerite ont continué à fréquenter le lavoir jusqu’aux années 1990. Rolande se souvient que l’été, les laveuses allaient au bord de la rivière et au lavoir pendant l’hiver. Le bassin, qui était alimenté par une source, était alors entretenu et vidé une fois par semaine. Il était bien fermé et les vapeurs qui se dégageaient des baquets réchauffaient l’atmosphère. Et puis « ça jacassait fort » ! Il s’en racontait des histoires « des vertes et des pas mûres » et c’est là qu’on apprenait les nouvelles « des vraies et des fausses ». Ma mère me disait souvent : Mais, où est-ce que tu as appris ça ? - Au lavoir bien sûr ! Alors qu’elle était prête à accoucher, Rolande se souvient que pour plaisanter, une amie « la Marie » est arrivée avec une « ertine » [1] en lui disant : « si tu accouches maintenant on saura où mettre l’enfant ». (J’ai accouché le lendemain). Certaines femmes lavaient leur linge, mais d’autres exerçaient le métier de laveuse. « L’Aline » lavait pour de nombreuses familles.
Il lui est arrivé de casser la glace avant de commencer son travail !
Toutes les dames que j’ai interrogées m’ont dit la même chose. Laver le linge était physiquement très dur. A la Grange-aux-Bois, avant la construction du lavoir, les femmes portaient le linge dans des hottes. Pour accéder à la rivière, il fallait descendre par un petit chemin empierré, inaccessible avec une brouette. Le fait d’être ensemble, rendait la pratique plus supportable. Les femmes pouvaient discuter entre elles, plaisanter, chanter.....et se chamailler car des conflits surgissaient parfois.
Il existe encore de nombreux lavoirs dans notre région. Beaucoup ont été restaurés. A Sainte-Ménehould, rue des remparts, un panneau accroché à un lavoir indique qu’il y en a 34 sur l’Aisne et son affluent l’Auve. Dans les villages aux environs de Sainte-Ménehould : Argers , Villers-enArgonne, Passavant-en-Argonne, Moiremont, Epense, La Neuville-au-Bois, Saint-Mard sur le Mont, Dampierre-le-Château ont rénové le leur. Celui de Dommartin-Varimont vient d’être démoli, c’est bien dommage. A Lavoye, village de la Meuse, les habitants l’ont fait revivre en y mettant des lavandières habillées comme autrefois et en rassemblant tous les ustensiles utilisés pour la lessive.
Témoins d’un autre temps, les lavoirs évoquent les souvenirs d’une époque révolue et rappellent le dur labeur de nos grands-mères. Avant qu’ils ne disparaissent à jamais, j’espère que les villages préserveront ces témoins du passé.
Je vais essayer de répertorier les lavoirs de notre canton car je ne suis pas allée dans tous les villages. Vous pouvez m’aider en m’envoyant des photos.
Des lavoirs à Vienne-le-Château