Ils ont combattu le roi de France, puis ils se sont mis à son service ; deux personnages qui se sont rencontrésà Sainte-Ménehould. L’un sera très connu, Vauban, l’autre moins, Montal.
Novembre 1652 : la France est divisée par une révolte des grands seigneurs que l’on nommera La Fronde. Le roi Louis XIV n’a alors que 13 ans. Les troupes du prince de Condé, après avoir pris Rocroi, Mouzon, Rethel, se présentent le 30 octobre de bon matin devant la ville. La résistance de la garnison de la forteresse et des bourgeois s’avéra inutile et la reddition fut signée le 13 novembre entre M. de Saint-Maure, gouverneur, et le prince de Condé.
Dans les armées du prince, il y avait un soldat qui fut remarqué pour son courage et son intrépidité : Sébastien Le Prestre, celui qui deviendra plus tard Vauban. Sébastien Le Prestre était né en mai 1633 à Saint-Léger-de-Foucherets (aujourd’hui Saint-Léger-Vauban) dans le Nivernais. Le jeune Sébastien s’engagea dans les troupes du prince de Condé et se retrouva donc avec les soldats de l’armée du prince à Sainte-Ménehould.
La forteresse allait être pour un an aux mains des « Frondeurs » et c’est Montal qui en devint gouverneur. Charles de Montsaulnin, comte de Montal, originaire d’une famille noble du Nivernais, s’était attaché aux services du prince de Condé et, nommé colonel, il suivit le prince dans toutes ses révoltes.
Montal est décrit, dans son rôle de gouverneur de la cité, comme sévère, voire avec une conduite odieuse : il avait fait détruire toutes les granges et les fermes aux alentours de la ville, il pillait et rançonnait les villages, il faisait pendre les soldats qui voulaient déserter.
Montal fit réparer et agrandir les fortifications de la ville et du Château tout en essayant de composer avec les bourgeois restés fidèles au roi et qui refusaient de participer aux travaux de réfection des bastions et autres murailles. Des bourgeois avaient d’ailleurs quitté la ville dès l’arrivée du prince de Condé et beaucoup se joindront par la suite aux troupes royales qui se préparaient à reprendre la ville.
Novembre 1653 : Deuxième siège de la ville. Louis XIV avait mis sur pied une armée considérable, forte de 18 000 hommes et se présenta, après avoir repris quelques villes de Champagne, devant Sainte-Ménehould le 22 octobre. Le siège dura jusqu’au 25 novembre, après 34 jours de combats ; Montal, ayant appris qu’un bastion avait été miné et que la bataille allait être perdue, décida enfin de se rendre.
Un des articles de la capitulation stipulait que la garnison partirait en bon ordre. Et le 27 au matin, cette garnison, « tambour battant, mèches allumées et enseignes déployées » défila devant le roi et la cour. Chaque officier saluait de sa pique le roi, mais quand Montal passa devant Louis XIV, sa majesté tourna la tête pour ne pas regarder celui qui avait osé le défier.
Sébastien Le Prestre, lui, n’était plus du côté des assiégés. Au cours d’une sortie, il avait été fait prisonnier par les soldats de
l’armée royale et, dit-on, on l’aurait persuadé de se mettre au service du roi. Le jeune Sébastien devint même second de l’ingénieur en chef, le chevalier de Clerville, et, bien évidemment, il connaissait parfaitement les fortifications de la ville pour avoir séjourné dans la cité plusieurs mois et avoir fait des croquis de ses fortifications. Il donna même un plan d’attaque qui fut adopté.
On connaît la destinée de Sébastien Le Prestre devenu Vauban, ingénieur militaire du roi, qui laissa son nom dans bien des villes de France.
Quant à Montal, il fut, quand la paix fut venue, appelé au service du roi qui, sachant s’attacher des hommes de valeur, lui donna un poste dans ses armées. Montal s’illustra au siège de Charleroi en 1673 et à la bataille de Stinckerque en 1692. Il mourut en 1696 avant d’avoir été fait maréchal de France.
C’est donc au siège de Sainte-Ménehould que ces deux militaires, Vauban et Montal commencèrent à se faire connaître. Buirette (page 340) nous rapporte un mot de Louis XIV qui est un bel éloge : « Je voudrais, dit le roi, voir Vauban attaquer une place et Montal la défendre ; mais non, ajouta le monarque après un moment de réflexion, j’en serais fâché, car ils périraient tous les deux. »