Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


Enregistrer au format PDF :Version Pdf


Version imprimable de cet article Version imprimable **




Scène de ménage à l’hôtel de ville.

   par John Jussy



Il arrive que les bourgeois qui siègent à l’Hôtel de ville ne soient pas d’accord, se reprochent leurs actes, se lancent des mots durs ; ce jour-là, les débats étaient plus qu’animés, mais c’était en 1653, juste après le départ de la ville du roi Louis XIV

- - - - - - - - - - - - - - - - - -


En cette année 1653, la bonne ville de Sainte-Ménehould venait de connaître son deuxième siège. L’année précédente, le prince de Condé, un des seigneurs révoltés contre le pouvoir royal (que l’on nommait les « Frondeurs »), était arrivé avec son armée pour prendre la ville. Et cette armée forte de 18 000 hommes, dont 3000 cavaliers, était composée d’Allemands, de Lorrains, d’Espagnols et de Français, dont un certain Sébastien Le Prestre, celui qui se nommera un jour Vauban.
Après une grande résistance, la ville qui n’avait pour se défendre qu’une troupe d’Irlandais et que les bourgeois entêtés, tomba aux mains des ennemis le 13 novembre 1752. Le gouvernement de la place fut confié au comte de Montal.
C’est donc l’année suivante que l’armée royale se présenta aux portes de la ville. Les plus grosses pièces d’artillerie étaient placées sur la butte de Cremont [1], la canonnade faisait des dégâts considérables et surtout des brèches dans les remparts. Une brèche avait été ouverte entre la porte de Royon et celle de Florion, et Montal dut se résoudre à demander la capitulation.
Les troupes ennemies partirent alors en bon ordre en défilant devant le Roi, le cardinal Mazarin, le maréchal de Praslin qui avait conduit le siège et une cour assez nombreuse. Puis Louis XIV, qui n’avait alors que 15 ans, entra dans la ville à pied par la brèche, un bâton de saule à la main. Les principaux bourgeois qui venaient de se réunir attendirent le roi pour « complimenter sa Majesté ». Tous se rendirent à l’église bien délabrée pour entonner le « Te Deum », puis le Roi fit le tour des fortifications et se rendit à l’Hôtel de ville [2].
Le futur Roi Soleil dit alors aux habitants sa « satisfaction de la conduite qu’il avaient tenue, non seulement pendant le siège qui venait de finir, mais surtout lors du siège précédent ». Buirette page 330.

"Qu’est-ce que, dans cette circonstance, dit simplement le roi, je pourrais faire qui pourrait vous être agréable et utile ?
- Sire, répondit sans détour l’échevin Faudel, nous vous prions d’accorder à la ville de Sainte-Ménehould l’honneur de porter la livrée [3]
de votre Majesté.
- Je vous l’accorde volontiers, reprit le Roi
."

Et donc, nous dit Buirette, historien de la ville, depuis cette époque la cité a eu cet honneur, c’est à dire que « les tambours, les valets de ville et autres gens attachés au corps municipal étaient revêtus de casaques et d’habits à la livrée du Roi ». Cet honneur a duré jusqu’à la Révolution française, c’est à dire pendant plus de 130 ans.
Jusque là tout allait bien sauf que, dès que le Roi eut quitté la ville pour aller dormir au château de Hans, les choses se gâtèrent :

"Pourquoi n’avez-vous pas consulté les habitants avant de répondre, dit d’un ton ferme un bourgeois à Faudel, nous aurions pu
<span style=’mar
gin-left:45px ;’> - Demandé la construction d’un nouvel Hôtel de ville, dit un autre bourgeois, le nôtre est bien vieux et
- Ou tout autre édifice utile aux habitants, enchaîna un autre.
- Et pourquoi pas une somme d’argent, entendit-on dans le groupe de bourgeois, que l’on aurait pu distribuer aux plus nécessiteux La guerre a bien amené des malheurs
- Il fallait nous consulter, hurla M. Privé, avocat et ancien échevin, j’ai moi-même complimenté le Roi à son arrivée, il suffisait de demander
"

Il est vrai que dans ces circonstances le roi Louis XIV n’aurait rien refusé aux habitants qui lui avaient été aussi fidèles.
« Je n’ai demandé au Roi qu’un simple privilège honorifique, expliqua calmement Faudel, cet honneur sera durable et sans cesse on se rappellera de la fidélité des habitants au cours des sièges »

Dans les années suivantes, bon nombre d’étrangers demandaient le pourquoi de ce privilège si honorable qui rappelait sans cesse cette époque où les bourgeois ont montré une fidélité exemplaire. Mais le Roi, par la suite, n’oublia pas les habitants de Sainte-Ménehould. Le gouvernement de la ville fut rendu à M. de Saint Maure et un ingénieur fut chargé de réparer et d’augmenter les fortifications Il se nommait Vauban.

D’après Buirette, histoire de la ville de Sainte-Ménehould, pages 329 à 331.

L’Hôtel de ville (E) avec, derrière lui, les grandes halles, ce qui correspond aujourd’hui à la place d’Austerlitz.

Notes

[1La butte de Cremont est au sud-ouest de la ville, aujourd’hui entre la ville et l’autoroute.

[2L’Hôtel de ville était alors en centre ville, aujourd’hui la place d’Austerlitz.

[3Livrée : costume distinctif que portaient autrefois les domestiques masculins.

Répondre à cet article


-Nombre de fois où cet article a été vu -
- -
Sainte-Ménehould et ses voisins d'Argonne
Association déclarée le 06 février 1998
Siège social : Hôtel de ville
B.P. 97- 51801 Sainte-Ménehould