Dans son éditorial du précédent numéro, Patrick Desingly nous parlait du grand poète « de Chamisso » et du château de Boncourt. J’ai eu envie dans la page du poète de revenir sur ce personnage. Aldebert von Chamisso, de son nom français Louis Charles Adélaïde de Chamisso de Boncourt est né au château du même nom, à Ante, petit village entre Sainte-Ménehould et Givry-en-Argonne, le 30 janvier 1781. La situation des aristocrates devenant de plus en plus précaire, la famille de Chamisso quitte Boncourt en 1792. Tout est vendu et le château complètement détruit. La famille s’installe à Berlin.
Aldebert fréquente le lycée français de Berlin puis entre dans l’armée prussienne. Il alterne constamment sa passion pour la littérature et la vie militaire. Ses premiers poèmes paraissent en 1803. Il quitte l’armée en 1808, fait de nombreux séjours en France où il fréquente les salons littéraires. Voilà ce qu’il écrit : « Ma patrie : je suis Français chez les Allemands, catholique chez les protestants, philosophe chez les gens religieux et cagot chez les gens sans préjugés, homme du monde chez les savants et pédant dans le monde, jacobins chez
les aristocrates et chez les démocrates un noble, un homme de l’ancien régime etc. Je ne suis de nulle part de mise, je suis partout étranger. » Il part en Suisse et fait des recherches scientifiques. En 1813, il écrit un livre original « Peter Schlemihl », l’histoire d’un homme qui a vendu son ombre et qui court le monde pour la retrouver. C’est son œuvre la plus célèbre. Ce chef-d’œuvre est presque inconnu en France alors qu’à l’étranger on l’apprécie pour sa facilité de lecture et son humour lumineux. Parce que la vie n’est pas que littérature, il se marie et a sept enfants.
De 1815 à 1818, il embarque comme botaniste sur un bateau russe. A son retour, il est nommé directeur du jardin botanique de Berlin. C’est probablement en 1830 que son œuvre poétique « l’amour et la vie d’une femme » lui vaudra la gloire car cette œuvre fut mise en musique par le non moins célèbre Robert Schumann. Il meurt en 1838.
Quant au château de Boncourt, il ne devait y revenir qu’une seule fois en décembre 1806. Longtemps après, il devait lui dédier un poème qu’il écrivit d’abord en allemand puis qu’il traduisit en français. Des générations d’Allemands ont appris par cœur les strophes nostalgiques de ce Français qui chante le paradis perdu de ce coin de Champagne.
Le prix Aldebert de Chamisso est attribué chaque année par la fondation Robert Bosch. Il récompense des écrivains d’expression allemande pour lesquels l’allemand n’est pas la langue maternelle.
Je suis allée plusieurs fois sur le site du château de Boncourt, mais la nature a repris ses droits et on ne voit qu’herbes et buissons. (sources : wikipédia, article du journal « l’Union », publié le dimanche 20 mai 2007)
Le Château Boncourt
Je retourne en rêve à mon enfance
Et secoue ma tête grise de vieillard ;
Pourquoi me reviennent ces images
Que je croyais perdues à jamais ?
Un château haut et brillant
Au milieu des frondaisons,
Je connais chaque tourelle, chaque chéneau
Le pont en pierres, le grand portail
Les lions de mes armoiries
Me regardent fidèlement,
Je salue mes vieux amis
Et monte vers la cour
Le sphinx près de la fontaine
Le figuier toujours vert
C’est là, derrière ces fenêtres
Que j’ai rêvé pour la première fois
C’est ainsi que tu es resté dans mon cœur
O château de mes aïeux
Mais tu as disparu de la terre
La charrue passe au-dessus de toi
Sois fertile terre chérie
Emu, serein, je te bénis,
Et je te bénis deux fois, paysan inconnu
Qui passe le soc sur mon château disparu